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CHAPITRE VII.


Interdiction de toute profession lucrative.


L’opposé de ce qui se voit chez les autres Grecs se trouve encore dans cette loi ; établie à Sparte par Lycurgue. Ailleurs, tout le monde cherche à faire fortune comme il peut : l’un est laboureur, l’autre marin, celui-ci marchand ; celui-là vit de son métier. À Sparte, Lycurgue a interdit aux hommes libres toute espèce de profession en vue du profit ; il n’y tolère que les actes qui assurent à un peuple sa liberté. En effet, à quoi bon courir après la richesse dans une ville où, le législateur ayant établi que chacun apporterait son contingent aux repas et se nourrirait de la même manière, il en résulte que la fortune ne procure aucune jouissance ? Ce n’est pas non plus pour des habits qu’on voudrait de l’argent : la parure d’un Spartiate n’est pas dans le luxe des vêtements, mais dans la bonne constitution du corps. Ce n’est pas, enfin, pour faire des dépenses avec des camarades qu’on songerait à amasser : Lycurgue a établi qu’il est plus glorieux de servir un ami en travaillant de son corps qu’en se répandant en dépense : il voyait ici une œuvre de cœur, là un étalage de richesse.

Les profits injustes ont été réprimés par lui de la manière suivante. D’abord il a fait frapper des monnaies si lourdes, qu’on ne peut pas introduire dix mines dans une maison à l’insu des serviteurs : il faut une place énorme pour cette somme et un chariot pour la transporter[1]. En second lieu, on fait des perquisitions d’or et d’argent ; et, quand on en trouve quelque part, le détenteur est mis à l’amende. Pourquoi donc s’occuper de fortune, dans un pays où la possession cause plus d’embarras que l’argent ne donne de plaisir ?

  1. Cf. de Pauw, t. II, p. 379