Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE II.


Éducation des enfants.


Maintenant, après ce que j’ai dit de la procréation des enfants, je veux entrer dans quelques détails sur l’éducation des deux sexes. Chez ceux des autres Grecs où l’on se vante d’élever le mieux la jeunesse, à peine les enfants sont-ils capables d’entendre ce qu’on leur dit, qu’aussitôt on leur donne des esclaves pour pédagogues ; on s’empresse de les envoyer aux écoles pour apprendre la lecture, la musique et la palestre. Outre cela, on amollit les pieds des enfants par des chaussures, on énerve leur corps par des changements de vêtements, on ne prend que leur estomac pour mesure de leur besoin. Lycurgue, au lieu de donner séparément à chaque enfant des esclaves pour pédagogues, nomma pour les commander un chef spécial, choisi parmi ceux qui sont désignés pour les plus hautes magistratures. On lui donne le nom de pédonome[1]. Il lui a conféré le pouvoir d’assembler les enfants, et, dans cette inspection, de punir sévèrement les paresseux ; pour cela il lui a donné des mastigophores[2] pris dans la jeunesse, afin de châtier, s’il est besoin. De là une grande réserve, une extrême soumission.

Afin que, pendant l’absence du pédonome, les enfants ne demeurassent point sans surveillant, il a établi que le premier venu des citoyens en prend la place, commande aux enfants ce qu’il croit bien, et châtie les délinquants. En agissant de la sorte, il a rendu les enfants encore plus dociles ; aussi, nulle part ailleurs, enfants ou hommes faits ne respectent plus les magistrats. Enfin, s’il ne se trouve pas là d’homme fait, pour que les enfants ne demeurent pas sans chef, il a ordonné que le plus habile de chaque classe commandât aux autres ; par là jamais les enfants de Sparte ne restent sans chef.

Au lieu de ménager la délicatesse des pieds, il a proscrit la chaussure, persuadé que, grâce à cette habitude, les enfants graviraient plus facilement les hauteurs, descendraient plus sûrement les pentes, apprendraient à bondir, à sauter, à cou-

  1. Littéralement, régulateur des enfants.
  2. Fouetteurs.