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mots, mais par son humeur ; grand par réflexion et non par fierté, il dédaignait l’orgueilleux et se plaçait au-dessous du modeste. Il mettait sa gloire à la simplicité de sa personne et à la magnificence de son armée. Travaillant à diminuer le nombre de ses besoins, il rendait le plus de services possible à ses amis. Redoutable adversaire, il était humain après la victoire ; incapable de se laisser duper par ses ennemis, il croyait facilement à ses amis, et s’appliquait autant à conserver la fortune des uns qu’à renverser celle des autres. Ses parents l’appelaient l’ami de la famille ; ses amis, l’homme du dévouement ; ceux qui l’obligeaient, l’homme du souvenir ; les opprimés, leur vengeur ; ceux dont il partageait les dangers, leur sauveur après leurs dieux.

Il me semble qu’il est aussi le seul de tous les hommes qui ait montré que, si la vigueur du corps s’affaiblit, la force de l’âme chez les hommes de bien ne vieillit jamais. Pour lui, du moins, il ne se lassa point de chercher une gloire grande et belle, même quand son corps ne put plus seconder l’énergie de son âme. Aussi à quelle jeunesse sa vieillesse ne se montra-t-elle pas supérieure ? Quel homme, à la fleur de l’âge, fut aussi redoutable aux ennemis qu’Agésilas, aux dernières extrémités de l’âge ? De qui les ennemis furent-ils heureux d’être délivrés plus que d’Agésilas mourant plein de jours ? Quel homme inspirait plus de confiance aux alliés qu’Agésilas, parvenu aux limites mêmes de la vie ? Quel homme jeune encore fut plus regretté de ses amis qu’Agésilas, terminant sa longue carrière ? Ce grand prince fut toujours si parfaitement utile à sa patrie que, même depuis qu’il n’est plus, il lui rend encore d’immenses services : il est descendu aux demeures éternelles, laissant dans toute la terre des monuments de sa vertu, et partageant dans sa patrie la sépulture des rois[1].


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  1. « Il quitta l’Égypte, dit Cornélius Népos, emportant avec lui deux cent vingt talents, dont le roi Nettanabis lui avait fait don pour les besoins de son peuple ; mais, en abordant au port de Ménélas, situé entre Cyrène et l’Égypte, il tomba malade et mourut. Ses amis, pour transporter plus facilement son corps à Sparte, l’enduisirent de cire, faute de miel, et le ramenèrent ainsi dans sa patrie. »