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ennemis, des boucliers percés, des piques brisées, des épées nues, les unes à terre, d’autres dans les corps, d’autres restées aux mains des combattante[1]. Comme il était déjà tard, les soldats d’Agésilas, après avoir seulement séparé de la phalange les morts des ennemis, prennent un léger repas et se livrent au sommeil. Le lendemain, Agésilas commande au polémarque Gylis de mettre les troupes sous les armes et d’ériger un trophée ; aux soldats de se couronner de fleurs en l’honneur du dieu, et aux Auteurs de jouer de leurs instruments. Cependant les Thébains envoient un héraut demander une trêve pour ensevelir leurs morts. Agésilas la leur accorde, et il part à l’instant pour sa patrie, désirant moins être souverain en Asie que de gouverner et d’obéir dans son pays selon les lois.

Dans le même moment, s’apercevant que les Argiens, bien qu’heureux chez eux et maîtres de Corinthe, se plaisent à faire la guerre, il la leur déclare, ravage tout leur territoire, franchit les défilés qui mènent à Corinthe, s’empare des murs qui descendent au Léchée[2] ; force les barrières du Péloponèse, revient dans sa ville natale pour les Hyacinthies[3], et à la place qui lui est assignée par le chef des chœurs, chante le péan en l’honneur du Dieu.

Il apprend alors que les Corinthiens avaient mis leurs troupeaux à l’abri dans le Pirée[4] qu’ils avaient ensemencé le Pirée même et qu’ils y faisaient récolte : jugeant donc ce poste très-important, parce que les Béotiens pouvaient par là, de Creusis[5], se joindre aisément aux Corinthiens, il se met en campagne contre le Pirée.

Mais le voyant défendu par une forte garnison, il feint qu’on va lui rendre la ville et campe le soir sous les murs. Il s’aperçoit, durant la nuit, que la garnison du Pirée se rend en masse à la ville ; il retourne donc sur ses pas, dès la pointe du jour, s’empare du Pirée, qu’il trouve dégarni de troupes, fait main-basse sur tout ce qu’il y trouve, et se rend maître des fortifications qu’on y avait construites.

  1. Nos Chansons de gestes sont pleines de descriptions semblables. Il est curieux de les rapprocher de Xénophon.
  2. Port de Corinthe.
  3. Voy. ce mot dans le Dict. de Jacobi.
  4. Il ne faut pas confondre le Pirée de Corinthe avec celui d’Athènes. En cet endroit, le texte de L. Dindorf diffère un peu de celui de C. Heiland. C’est ce dernier que j’ai suivi pour la traduction.
  5. Comptoir des Thespiens dans le fond du golfe de Corinthe. Voy. Tite-Live, XXXVI, XXXI