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embrassé volontairement son parti, excepté ceux qui préfèrent s’établir auprès de lui. À ces derniers il donne des terres et des maisons, que leurs descendants possèdent encore. C’étaient pour la plupart des Mèdes et des Hyrcaniens. Ceux qui veulent s’en aller reçoivent des présents ; et nul d’entre eux, officiers et soldats, n’a le droit de se plaindre. Il fait ensuite distribuer à ses propres troupes les trésors enlevés de Sardes ; commençant par les myriarques et les officiers attachés à sa personne, qui reçoivent en proportion de leurs services. La distribution du reste est confiée aux myriarques, pour être partagée suivant la règle observée à leur égard : chacun des chefs donne à ses inférieurs la portion qui leur revient, ainsi de suite, de grade en grade, jusqu’aux hexadarques, qui font la répartition à leurs soldats, suivant le mérite de chacun, de sorte que tous sont récompensés avec justice. Quand tout le monde a reçu sa part, on se met à dire de Cyrus : « Certes, il a de grandes richesses, puisqu’il fait à chacun de nous de si grands présents. » D’autres disent : « Que peut-il avoir ? Cyrus n’est pas d’humeur à thésauriser, et il aime mieux donner que posséder. » Cyrus, informé de ce qu’on dit de lui et de ce qu’on en pense, assemble, outre ses amis, tous ceux dont il juge la présence nécessaire, et leur parle ainsi :

« Mes amis, j’ai vu des gens qui veulent paraître avoir plus qu’ils n’ont ; ils croient par là se faire regarder comme généreux ; mais il leur arrive justement le contraire de ce qu’ils souhaitent. Quiconque affecte l’opulence et n’aide pas ses amis en raison de ses moyens, n’y gagne qu’une réputation d’avarice. D’autres s’étudient à cacher ce qu’ils ont ; selon moi, ils se conduisent tout aussi mal avec leurs amis. Comme on ne sait pas ce qu’ils ont, il arrive souvent que leurs amis dans le besoin n’osent pas leur révéler leur situation et sont trompés par l’apparence. Pour ma part, je crois qu’il est d’un homme loyal de laisser voir à découvert ses richesses, pour en user dans l’intérêt de sa renommée. Je veux donc vous faire voir tout ce que je possède, et je vous rendrai compte de ce que je ne pourrai vous montrer. » Aussitôt, il leur fait voir quantité d’effets magnifiques ; et ceux qui sont placés de manière à n’être point en vue, il leur en donne le détail. À la fin, il leur dit : « Tout cela, mes amis, croyez-le bien, est à vous aussi bien qu’à moi : j’ai amassé ces trésors, non pas pour les dissiper, moins encore pour les gaspiller, je ne le pourrais pas, mais afin d’avoir toujours de quoi récompenser les belles actions et secourir ceux