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sang qui lui coulait du nez, où il avait reçu le coup. Le jeune homme s’approche et lui demande s’il a été frappé : « Tu le vois, répond Phéraulas. — Je te donne donc ce cheval. — Et pourquoi ? » Le Sace lui raconte alors ce qui s’est passé, et il ajoute : « Je vois bien que je n’ai pas manqué de toucher un brave homme. — C’était à un plus riche que moi, reprend Phéraulas, que tu aurais dû, en homme sage, donner l’on cheval. Cependant je l’accepte, et je prie les dieux, qui ont permis que tu m’aies frappé, de me mettre en état que tu n’aies point à te repentir de l’on présent : monte sur mon cheval, continue-t-il ; retourne à l’on poste : dans un instant je serai près de toi. » Ils font ainsi l’échange de leurs chevaux. Parmi les Cadusiens, c’est Rathinès qui remporte la victoire.

Cyrus ordonne aussi une course de chars, après laquelle on distribue aux vainqueurs des bœufs, pour en faire un sacrifice et un régal, et puis un certain nombre de coupes. Lui-même il veut avoir un bœuf pour prix de sa victoire ; mais il fait don des coupes qui lui reviennent à Phéraulas, pour le récompenser du bel ordre qu’il a mis dans la marche à l’issue du palais. Cette marche pompeuse, imaginée par Cyrus, se renouvelle aujourd’hui chaque fois que le roi sort, excepté qu’on n’y mène point de victimes, quand il ne doit point sacrifier. Les jeux finis, on reprend le chemin de la ville, et l’on se retire, ceux qui ont reçu des maisons, dans leurs maisons ; ceux qui n’en ont point, dans leur quartier.

Phéranias invite alors le Sace qui lui a donné le cheval à venir loger chez lui, le comble de présents, et, à la fin du dîner, remplissant les coupes qu’il a reçues de Cyrus, il boit à la santé de son hôte et les lui donne. Le Sace, voyant la quantité et la beauté des tapis, la quantité et la beauté des meubles, le nombre des esclaves : « Dis-moi donc, Phéraulas, lui dit-il, tu étais sans doute dans l’on pays un des riches ? — De quels riches ? dit Phéraulas. J’étais un de ceux qui gagnent leur pain avec leurs bras. Dans mon enfance, mon père, qui avait peine à me nourrir de son travail, me fit donner l’éducation des enfants : devenu grand garçon, comme il ne pouvait me nourrir à ne rien faire, il m’emmena aux champs et me mit à l’ouvrage. Je l’ai nourri à mon tour, tant qu’il a vécu, en bêchant et en semant notre petit coin de terre, qui, loin d’être ingrat, se montrait souverainement juste : la semence qu’il avait reçue, il me la rendait bel et bien avec un petit intérêt : quelquefois pourtant, dans sa générosité, il me rendait le double de