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n’avait été averti qu’après Daïpharne, étant arrivé avant lui, reçoit en présent de Cyrus un des chevaux qui marchent à sa suite, et l’un des porte-sceptres a l’ordre de mener le cheval où l’officier voudra. Les assistants comprennent la valeur de ce présent, et beaucoup plus de gens l’ont en estime.

Arrivés aux enceintes consacrées aux dieux, on sacrifie les taureaux à Jupiter, et l’on en fait un holocauste ; puis on fait au Soleil un holocauste de chevaux : on égorge ensuite, en l’honneur de la Terre, les victimes désignées par les mages, et enfin aux héros protecteurs de la Syrie[1]. Les sacrifices achevés, comme le lieu était agréable, Cyrus marque un espace d’environ cinq stades, et commande aux corps de cavalerie divisés par nations de parcourir cette carrière au galop. Il court lui-même avec les Perses et remporte une brillante victoire : et de fait, il était très-fort en équitation. Parmi les Mèdes, Artabase est vainqueur : Cyrus lui avait donné un cheval ; parmi les Syriens, c’est leur chef ; parmi les Arméniens, Tigrane ; parmi les Hyrcaniens, le fils de leur hipparque ; entre les Saces, un simple cavalier, dont le cheval devance les autres de presque la moitié du drome[2]. On rapporte que Cyrus ayant demandé à ce jeune homme s’il accepterait un royaume en échange de son cheval : « Pour un royaume ! dit-il, je ne le voudrais pas ; mais je le donnerais pour avoir l’amitié d’un brave homme. — Eh bien ! dit Cyrus, je veux te montrer un endroit où tu ne pourrais rien jeter, les yeux fermés, sans toucher un brave homme. — Par ma foi, dit le Sace, montre-moi donc l’endroit, afin que j’y lance cette motte de terre, » et en même temps il la ramassait. Cyrus lui montre alors l’endroit où se trouvaient la plupart de ses amis : le Sace ferme les yeux, lance sa motte, et atteint Phéraulas, qui exécutait une commission de Cyrus. Phéraulas, touché, ne se détourne point, mais il court où son devoir l’appelle. Le Sace, ouvrant les yeux, demande qui il a touché. « Par Jupiter ! lui dit Cyrus, aucun de ceux qui sont ici. — Ce n’est pourtant pas, dit le jeune homme, un de ceux qui n’y sont point. — Mais si, par Jupiter ! dit Cyrus ; tu as touché celui que tu vois là-bas courir au galop par delà les chars. — Comment alors ne s’est-il pas retourné ? — Il est fou, probablement. » dit Cyrus. À ces mots, le Sace part au galop pour voir qui il a frappé : il trouve Phéraulas le menton plein de terre et de

  1. Voyez M. Adolphe Garnier, Mémoire sur Xénophon, p. 68 et 69
  2. Champ de course.