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et il jugea d’abord qu’il n’était pas à propos de les désarmer et de leur interdire le métier de la guerre, injures d’où pouvait naître le bouleversement de son empire ; qu’ensuite ne plus les laisser approcher de lui et leur témoigner de la défiance, ce serait une déclaration de guerre. Au lieu de tout cela, il crut que le parti le meilleur et le plus digne pour sa sûreté, c’était de se les rendre amis plus qu’ils n’étaient entra eux. Or, comment il nous semble être arrivé à se faire aimer, nous allons essayer de le dire.


CHAPITRE II.


Divers moyens employés par Cyrus pour se faire des amis ; présents de table, cadeaux, bienveillance, affabilité, envois de médecins à ceux qui sont malades. — Institution de combats propres à entretenir l’émulation.


Et d’abord il se montra de tout temps et sans cesse attentif à laisser paraître la bonté de son cœur. Comme il savait qu’il est difficile d’aimer ceux qui paraissent nous haïr, et de vouloir du bien à qui nous veut du mal, il pensait aussi qu’il est impossible que ceux qui se croient aimés haïssent ceux dont ils savent avoir reçu des preuves d’affection. Tant que sa fortune ne lui permit pas d’être libéral, on le vit prévenir les besoins de ceux qui l’entouraient, s’employer pour eux, se réjouir avec eux de leurs joies, s’affliger de leurs maux, et, par ces moyens, se mettre en quête de leur amitié. Mais quand la fortune lui permit d’être libéral, il comprit bien, selon nous, que le plaisir le plus sensible que, à dépense égale, les hommes puissent se faire entre eux, c’est de s’inviter réciproquement à boire et à manger. Dans cette pensée, il ordonna que la salle fût toujours couverte de mets semblables à ceux qu’on lui servais à lui-même et suffisants pour un grand nombre de convives ; et tout ce qu’on y servait sauf ce qui était indispensable pour lui et pour ses commensaux, était distribué par son ordre à ceux de ses amis à qui il voulait donner une marque de souvenir ou d’attention. Il en envoyait quelquefois à ceux des gardes, qui s’étaient distingués ou par leur vigilance ou par leur zèle à le servir ou par d’autres actions semblables, montrant par là qu’il connaissait les gens empressés à lui plaire.