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sonne. Cette manœuvre donne tout à la fois de la confiance et à ceux qui demeurent en place, parce que leur files vont doubler de hauteur, et à ceux qui se replient, parce qu’aussitôt après cette manœuvre ils se trouvent en face de l’ennemi. Quand les troupes qui ont eu l’ordre de marcher de droite et de gauche se sont rejointes, elles s’arrêtent, animées d’une nouvelle ardeur, les premiers rangs soutenus par les derniers et ceux-ci couverts par les premiers. La phalange se trouvant ainsi évidée, les premières et les dernières lignes sont composées des meilleurs soldats, et les moins bons demeurent au milieu ; disposition excellente pour combattre et pour empêcher les lâches de fuir. De plus, les cavaliers et les gymnètes, placés aux deux ailes, se rapprochent d’autant plus du général, que le front de bataille diminue par le doublement des files. Les troupes de Cyrus, se tenant ainsi bien serrées, se retirent à reculons, jusqu’à ce qu’elles soient hors de la portée du trait.-Arrivées hors de la portée du trait, elles font demi-tour à gauche, se retournant ainsi par intervalles le visage vers la ville, mais répétant plus rarement leurs haltes, à mesure qu’elles s’éloignent davantage. Quand elles se croient à l’abri du danger, elles continuent leur marche sans interruption, jusqu’à ce qu’elles aient gagné leurs tentes.

Dès qu’on est arrivé au camp, Cyrus assemble les chefs et leur parle en ces mots : « Alliés, nous avons fait le tour la ville ; et, pour ma part, j’ai reconnu, à la hauteur et à la force des murailles, qu’il est impossible de la prendre d’assaut : mais plus les soldats que renferme la ville sont nombreux, plus vite, au moment où ils ne veulent pas sortir, nous pourrons, je pense, les réduire par la faim. Si donc personne n’a rien de mieux à dire, je suis d’avis que nous en formions le blocus. » Chrysantas dit alors : « Le fleuve que voici ne passe-t-il pas au milieu de la ville, avec une largeur de plus de deux stades ? — Oui, par Jupiter ! répond Gobryas, et telle en est la profondeur, que deux hommes, debout l’un sur l’autre, auraient de l’eau par-dessus la tête : aussi, est-il pour la place une meilleure défense que les remparts. » Alors Cyrus : « Laissons de côté, Chrysantas, dit-il, ce qui est au-dessus de nos forces ; après avoir pris nos mesures, creusons au plus vite un fossé très-large et très-profond, auquel travaillera tour à tour chaque compagnie : de cette manière, il nous faudra moins de gens pour faire le guet. »

On trace autour des murailles des lignes de circonvallation, et l’on ménage, dans l’endroit où elles viennent aboutir au