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fiertés, quand le combat était sur le point de s’engager ; étant, au demeurant, l’homme le moins fier du monde. « Lors donc, dit-il, que tu les verras fuir, compte que je suis déjà près de toi, et fonds sur eux : tu trouveras alors les ennemis profondément découragés et les tiens pleins d’assurance. Mais tandis que tu en as encore le temps, Abradatas, visite tous les chars de ta division, engage les conducteurs à te seconder dans l’attaque, rassure-les par ton maintien, anime-les par l’espérance : excite en eux le désir d’être considérés comme les plus braves entre les autres divisions des chars ; car, sache-le bien, si tout marche avec succès, tous diront qu’il n’y a rien de plus profitable que la valeur. » Abradatas remonte sur son char et exécute ces ordres.

Cependant Cyrus s’était avancé jusqu’à l’aile gauche. Là se trouvait Hystaspe avec la moitié de la cavalerie perse. Cyrus l’appelant par son nom : « Hystaspe, lui dit-il, tu le vois, nous avons besoin de ta promptitude ordinaire : car, si nous prenons les devants en tuant les ennemis, nous ne perdrons pas un homme. — Nous aurons soin, dit Hystaspe en riant, de ceux qui sont en face de nous, mais ordonne que les flancs de notre armée ne restent pas les bras croisés. — Je vais y pourvoir, répond Cyrus : toi, Hystaspe, n’oublie pas que quiconque attendra des dieux l’avantage, doit se porter ensuite où les ennemis opposeraient une plus grande résistance. » Cela dit, il continue sa marche ; puis abordant le commandant des chars qui couvrait ce flanc, il lui dit : « Je viens, prêt à vous secourir : dès que vous jugerez que nous avons attaqué l’extrémité des ennemis, vous vous efforcerez de passer à travers leurs rangs, car vous courrez beaucoup moins de risque en vous portant au delà qu’en restant en deçà. » S’étant ensuite porté derrière les chariots, il ordonne à Pharnouchus et à Artagersas de rester à leur poste avec mille fantassins et mille chevaux. « Quand vous reconnaîtrez, dit-il, que je charge l’aile droite, tombez sur la gauche ; attaquez-la par la pointe, c’est la partie la plus faible ; mais maintenez-vous toujours en phalange, pour ne rien perdre de vos forces. Vous voyez les cavaliers des ennemis placés à l’extrémité de l’aile ; faites marcher à leur rencontre votre escadron de chameaux, et soyez sûrs qu’avant d’en venir aux mains, vous aurez de quoi rire aux dépens des ennemis. »

Ces dispositions prises, Cyrus se porte vers la droite. Cependant Crésus, ayant remarqué que la phalange, dont il occupe le centre, est plus près de l’ennemi que les ailes qui se déploient,