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compagnie marche presque toujours près de ses skeuophores ordre, en effet, est donné à tous ceux-ci de rester près de leur compagnie, à moins d’empêchement majeur ; et le skeuophore de chacun des taxiarques porte en main une enseigne connue de toute la compagnie. On marche donc serrés, et, comme chacun a grand soin de ne laisser en arrière aucun de ses camarades, ils ne sont point obligés de se chercher l’un l’autre : leur bagage est sous leurs yeux, et les soldats ont à l’instant même ce qui leur est nécessaire.

Cependant les éclaireurs envoyés en avant croient apercevoir dans la plaine des hommes ramassant du fourrage et du bois ; ils voient des bêtes de somme qui en emportent des charges, d’autres qui sont à paître ; et, en regardant plus loin, ils croient apercevoir de la fumée ou de la poussière s’élevant dans les airs. À tous ces signes, ils reconnaissent que l’ennemi n’est pas éloigné. Aussitôt le chef des éclaireurs dépêche un envoyé à Cyrus. Celui-ci, après l’avoir entendu, leur fait donner l’ordre de rester à leur point d’observation, et, s’ils voient quelque chose de nouveau, de lui en donner avis. En même temps il charge un escadron de cavaliers de s’avancer dans la plaine pour faire quelques prisonniers, afin de savoir plus nettement ce qui est. Pendant que ces ordres s’exécutent, Cyrus fait faire halte à son armée, afin que les soldats aient le loisir de tout préparer avant de s’approcher de l’ennemi. Il leur enjoint d’abord de dîner, de reprendre ensuite leurs rangs, se tenant attentifs à ses ordres. Après le repas, Cyrus appela les chefs des cavaliers, des fantassins et des conducteurs de chars, ainsi que ceux qui commandent aux machines, aux skeuophores et aux chariots. Ils se rassemblent. Pendant ce temps, ceux qui courent les champs reviennent, amenant des hommes. Ces prisonniers, interrogés par Cyrus, lui avouent qu’ils sont du camp et que, pour ramasser du fourrage et du bois, ils ont dépassé les avant-postes : le grand nombre de troupes, en effet, a mis partout la disette. Cyrus les entendant ainsi parler : « À quelle distance, leur dit-il, est maintenant l’armée ? » Ils lui répondent qu’elle est à deux parasanges environ. Cyrus leur demande ensuite : « Et nous, dit-il, en parlait-on chez les vôtres ? — Oui, par Jupiter, répondent-ils, et l’on disait que vous étiez déjà tout près. — Eh bien, dit Cyrus, étaient-ils contents de nous savoir près ? » Il faisait cette question à cause de ceux qui étaient là. « Non, par Jupiter, disent les prisonniers ; loin de s’en réjouir, ils en sont fort affligés. — Et maintenant, dit Cyrus, que font-