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tirer quelque renseignement ; il faisait aussi passer chez l’ennemi des espions vêtus en esclaves, qui se donnaient pour transfuges.

En apprenant ces détails, l’armée de Cyrus, comme de juste, est dans l’inquiétude ; on va, on vient, plus silencieux qu’auparavant, la gaieté a tout à fait disparu, on se forme en cercles ; tout est plein de-gens qui se questionnent, s’entretiennent de tout cela. Cyrus, s’apercevant que la peur court parmi son armée, fait appeler les principaux chefs et tous ceux dont l’abattement eût porté autant de préjudice que leur assurance devait être utile. Il ordonne aux guides de ne point repousser les soldats qui se présenteraient pour entendre ce qu’il allait dire, et, quand tous se sont assemblés, il parle en ces mots :

« Alliés, je vous ai convoqués, parce que j’ai remarqué que plusieurs d’entre vous, depuis les nouvelles qui nous sont venues des ennemis, ont l’air d’hommes effrayés. Or, il me semble étrange que quelqu’un parmi vous tremble, parce qu’on nous dit que l’ennemi rassemble ses troupes, et qu’en voyant que nous sommes plus nombreux que quand nous les avons vaincus, et, grâce au ciel, beaucoup mieux préparés, vous n’ayez pas pleine confiance. Grands dieux, que feriez-vous donc, vous qui craignez en ce moment, si l’on vous annonçait qu’une armée telle que la nôtre marche aujourd’hui contre nous ? Vous entendriez dire tout d’abord : « Les mêmes ennemis qui nous ont déjà vaincus reviennent nous attaquer, l’âme tout enflée de la première victoire qu’ils ont déjà remportée ; » et ensuite : « Ceux qui ont triomphé dans les escarmouches de vos archers et de vos gens de trait, arrivent avec un renfort de troupes presque aussi nombreuses : leur infanterie, pesamment armée, a mis la vôtre en fuite ; aujourd’hui leur cavalerie, armée de même, va se mesurer avec votre cavalerie : ils ont rejeté leurs arcs et leurs traits, mais chacun d’eux, ayant un fort javelot, est décidé à se jeter en avant et à combattre de près : ils ont des chars pour marcher au combat, et non plus disposés pour fuir comme autrefois : les chevaux qui les traînent sont cuirassés, les conducteurs placés dans des tours de bois, casque en tête, et la partie du corps qui excède la hauteur du siège couverte d’une cuirasse : les essieux sont armés de longues faux de fer ; ils ont encore des chameaux sur lesquels ils peuvent monter, et dont un seul peut, de son aspect, épouvanter cent chevaux ; enfin, ils traînent à leur suite des tours du haut desquelles » en protégeant les leurs, ils nous acca-