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faire à ton père le récit détaillé de tout ce que tu as exécuté ! — Et toi, n’as-tu donc nulle envie de retourner dans ton pays ? — Non, par Jupiter, dit Hystaspe, non, je ne m’en vais point : je reste en campagne, jusqu’à ce que j’aie rendu Gadatas, que voici, maître de l’Assyrien. »

Pendant qu’ils échangeaient d’un ton sérieux ce badinage, Cyaxare sort magnifiquement vêtu et vient s’asseoir sur un trône médique. Quand tous ceux qui doivent assister au conseil sont réunis et qu’on a fait silence, Cyaxare s’exprime ainsi : « Alliés, puisque je me trouve ici et que je suis plus âgé que Cyrus, peut-être est-il convenable que je parle le premier. Je crois donc essentiel, en ce moment, de discuter d’abord la question de savoir si l’on doit continuer la guerre ou licencier dès à présent l’armée. Que quelqu’un dise donc ce qu’il en pense. »

L’Hyrcanien, le premier, prenant la parole : « Alliés, dit-il, je ne crois pas qu’il soit besoin de parler, quand les faits eux-mêmes indiquent ce qu’il y a de mieux à faire. Nous savons tous qu’en demeurant unis nous faisons plus de mal aux ennemis que nous n’en souffrons ; tandis que, quand nous étions séparés les uns des autres, les ennemis nous traitaient de la manière la plus agréable pour eux et la plus fâcheuse pour nous. »

À ces mots le Cadusien se lève : « Pourquoi, dit-il, délibérer si nous devons quitter d’ici pour aller séparément dans nos maisons, nous qui ne pouvons sans danger, même les armes à la main, nous éloigner de vous ? Pour nous être écartés pendant un instant de votre corps d’armée, nous en avons été punis comme vous savez. »

Alors Artabaze, celui qui s’était dit autrefois le parent de Cyrus, se lève et dit ; « Pour moi, Cyrus, j’envisage ta question autrement que ceux qui viennent de parler. Ils disent qu’il faut rester ici pour faire la guerre ; moi, je prétends que c’est quand j’étais dans ma patrie, que je faisais la guerre. Alors il me faisait sans cesse courir à la défense de nos biens qu’on nous enlevait ou de nos châteaux menacés, être sans cesse en alarmes et sur la défensive ; et je faisais cette guerre chez moi à mes frais. Maintenant, j’occupe les forteresses de nos adversaires ; je n’en ai plus peur ; je fais bonne chère à leurs dépens et je bois le vin des ennemis. De la sorte, ce qui était chez nous une campagne est devenu une vraie fête ; on ne doit donc point rompre cette société. »