Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auprès de toi pour savoir comment tu te trouves. — Et moi, dit Gadatas, j’en atteste les dieux, j’allais auprès de toi pour contempler le visage d’un homme qui a une telle âme, qui, n’ayant pas, que je sache, besoin de moi, ne m’ayant rien promis, n’ayant reçu de moi aucun service, par cela seul que j’ai été de quelque utilité à ses amis, me secourt si puissamment, qu’aujourd’hui même, sans lui, je périssais, et que, par lui, je suis sauvé. Oui, par les dieux, à l’avenir, Cyrus, si j’étais resté tel que m’avait fait la nature et que j’eusse eu des enfants, je ne sais pas si un fils m’eût rendu les mêmes soin ». Je connais des fils, par exemple le roi actuel des Assyriens, qui a fait plus de mal à son père qu’il ne pourra jamais t’en causer. » À cela, Cyrus répond : « Gadatas, il y a ici quelque chose de plus admirable que ce que tu admires en moi. — Et qu’est-ce donc ? dit Gadatas. — C’est le zèle de tant de Perses, de tant de Mèdes, de tant d’Hyrcaniens à ton égard ; c’est celui de tous les Arméniens, Saces ou Cadusiens ici présents. » Alors Gadatas faisant une prière : « Que Jupiter, dit-il, et que les autres dieux les comblent de tous les biens, ainsi que celui qui les a rendus ce qu’ils sont ! Mais afin, Cyrus, que ceux qui méritent tes éloges reçoivent des présents d’hospitalité convenables, accepte ceux dont je puis disposer. » En même temps, il fait apporter des provisions en grande abondance, pour qu’il y ait de quoi sacrifier, si on le désire, et de quoi donner aux troupes un repas digne de leur valeur et de leurs succès.

Le Cadusien posté à l’arrière-garde n’avait pas été de la poursuite. Voulant donc aussi faire quelque chose de brillant, sans se concerter avec Cyrus, sans lui communiquer son dessein, il va faire une incursion du côté de Babylone. Tandis que ses cavaliers sont dispersés dans la campagne, l’Assyrien sort tout à coup de la ville où il s’est réfugié, et paraît à la tête de ses troupes rangées dans le meilleur ordre. Quand il voit que les Cadusiens sont seuls, il fond sur eux, tue leur chef et plusieurs soldats, s’empare d’un grand nombre de chevaux et reprend le butin qu’ils emportent ; après quoi, l’Assyrien, les poursuivant tant qu’il croit pouvoir le faire sans danger, revient sur ses pas. Les premiers d’entre les Cadusiens échappés à cette défaite rentrent au camp vers le soir. Cyrus, ayant appris cette mauvaise nouvelle, court au-devant des Cadusiens, accueille chacun de ceux qu’il voit blessés, et les envoie à Gadatas pour qu’on en prenne soin, établit les autres dans une tente, et veille lui-même à ce qu’il ne leur manque rien, secondé de quelques