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l’Assyrien regarde comme ennemis, ou si vous connaissez quelque autre nation mal disposée à son égard. — Par Jupiter ! dit l’Hyrcanien, il a pour ennemis mortels les Cadusiens, peuple nombreux et vaillant. Il en est de même des Saces, nos voisins, qui ont essuyé mille maux de la part de l’Assyrien ; car il a essayé de les asservir comme nous. — Vous pensez donc que ces deux peuples s’uniraient volontiers à nous aujourd’hui pour attaquer l’Assyrien ? » Ils répondent que ce serait avec empressement, s’ils pouvaient se joindre à Cyrus. « Mais qui fait obstacle à ce qu’ils se joignent à moi ? — Les Assyriens, répondent-ils, dont tu traverses en ce moment même le pays. » Dès que Cyrus a entendu cette réponse : « Mais, dis-moi, Gobryas, ne t’ai-je pas entendu parler de l’humeur arrogante à l’excès du jeune homme qui règne aujourd’hui ? — C’est du moins, répond Gobryas, cette sorte d’humeur que j’ai eu à subir. — Mais est-ce contre toi seul, ou contre d’autres encore, qu’il s’est ainsi montré ? — Par Jupiter ! répond Gobryas, c’est contre d’autres encore. Les violences qu’il exerce sur les faibles, à quoi sert d’en parler ? Le fils d’un homme beaucoup plus puissant que je ne suis était son ami au même degré que mon fils. Un jour qu’ils buvaient ensemble, il le fait saisir et mutiler pour cela seul, dit-on, que la maîtresse du prince avait loué la beauté de ce jeune homme et vanté le bonheur de celle qui serait sa femme. Il allègue à présent pour excuse que l’autre avait voulu séduire sa maîtresse. Quoi qu’il en soit, ce jeune homme est eunuque et gouverne ses États depuis la mort de son père. — Penses-tu qu’il soit bien aise de nous voir chez lui, s’il croit que nous voulons le servir ? — Je n’en doute pas, dit Gobryas ; mais il est difficile, Cyrus, d’arriver jusqu’à lui. — Et pourquoi ? — Parce que, pour le joindre, il nous faut aller au delà de Babylone. — Et en quoi est-ce difficile ? — Hé ! par Jupiter, répond Gobryas, parce que je sais qu’il sortira de cette ville une force double de celle que tu as à présent. Sache bien, ajoute-t-il, que, si en ce moment même il vient moins d’Assyriens t’apporter leurs armes et t’a mener leurs chevaux, c’est uniquement parce que ton armée t’a paru peu considérable à ceux qui l’ont vue, et que le bruit s’en est répandu partout. Je crois donc qu’en avançant il est essentiel de nous tenir sur nos gardes. »

Cyrus, en entendant Gobryas s’exprimer ainsi, lui répond : « Tu as bien raison, Gobryas, d’insister sur la nécessité des précautions dans la marche. Pour moi, quand j’y réfléchis, je n’imagine pas de meilleur moyen que d’aller droit à Babylone,