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Cyrus à y entrer avec les précautions qu’il jugera nécessaires. Cyrus envoie donc en avant des éclaireurs avec un corps de troupes, et entre lui-même. A peine est-il entré, qu’il fait ouvrir les portes à deux battants et appelle sur ses pas tous les amis et tous les chefs qui sont avec lui. Dès qu’ils sont à l’intérieur, Gobryas apporte des coupes d’or, des aiguières, des vases, des joyaux de toute espèce, avec quantité de dariques et d’effets précieux ; puis il amène sa fille, remarquable par sa taille et par sa beauté, mais toute en deuil, à cause de la mort de son frère, et il parle ainsi : « Je te fais don, Cyrus, de toutes ces richesses, et je remets ma fille entre tes mains, pour en disposer à ton gré. Nous te supplions, moi, de venger mon fils, elle, de venger son frère. »

Cyrus répond : « Je t’ai promis tout récemment de te venger de mon mieux, si tu étais sincère. Aujourd’hui, comme je vois que tu dis la vérité, je t’en donne ma foi, et je promets en même temps à celle-ci, avec l’aide des Dieux, d’en faire autant pour elle. J’accepte tes biens ; mais je les donne à cette enfant et à celui qui sera son époux. Je n’emporterai d’ici qu’un seul de tes dons ; et tous les trésors, immenses qui sont dans Babylone et même dans tout l’univers, ne sont rien, comparés à ce présent qui me comble de joie en le recevant de toi à mon départ. » Alors Gobryas, étonné de ce que ce pouvait être et soupçonnant qu’il s’agissait de sa fille, lui demande : « Mais quel est donc ce présent, Cyrus ? » Cyrus répond : « Je ne doute pas, Gobryas, qu’il n’y ait beaucoup de gens au monde qui ne voudraient ni commettre une Injustice, ni se parjurer, ni mentir de propos délibéré ; cependant, comme personne n’a voulu leur confier de grandes richesses, un pouvoir absolu, des places fortes, des enfants dignes d’être aimés, ils meurent avant qu’on ait pu voir au vrai ce qu’ils sont. Aujourd’hui, en remettant entre mes mains une place forte, des richesses de toute nature, ton pouvoir, et une fille, digne objet de tous les vœux, tu m’as mis en état d’apprendre à tous les hommes que je ne veux pas me parjurer avec mes hôtes, ni commettre d’injustice par amour de l’argent, ni manquer volontairement aux traités. Voilà un don, sache-le bien, qui, tant que je serai juste et que ce bruit me vaudra les louanges des hommes, ne sortira point de mon souvenir ; mais je m’efforcerai de te combler, à mon tour, de tous les biens. Quant à l’époux à donner à ta fille, ne crains point que je n’en trouve pas un qui en soit digne : j’ai plusieurs braves amis dont l’un sera son époux : aura-t-il autant de bien, ou