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la poursuite des ennemis, suivant l’ordre qu’ils disaient avoir reçu de leurs chefs. Quoique piqué au vif, Cyrus fait ranger séparément ces objets ; il assemble de nouveau ses taxiarques, et, les plaçant dans un endroit où ils peuvent entendre ce qu’il allait expliquer, il s’exprime ainsi :

« Que si nous possédions, mes amis, tout ce qui s’étale en ce moment sous nos yeux, cela ferait un grand bien à tous les Perses, et sans doute un plus grand encore à nous, par les mains desquels cela se passe, vous le savez tous, j’en suis certain. Mais comment nous en emparer, incapables que nous sommes de nous en rendre maîtres, puisque les Perses n’ont pas de cavalerie nationale ? je ne le vois pas. Réfléchissez a ceci : nous avons, nous autres Perses, des armes avec lesquelles, selon toute apparence, nous pouvons mettre en déroute les ennemis, dans une mêlée. Mais, une fois en déroute, le moyen, avec de telles armes et sans chevaux, de prendre ou de tuer des cavaliers, des archers, des peltastes, des gens de trait en fuite ? Qui les empêchera de fondre sur nous et de nous faire du mal, quand ces archers, gens de trait et cavaliers, sauront qu’ils ne courent pas plus de risque d’éprouver quelque mal de notre part, que s’ils avaient affaire à des arbres ? S’il en est ainsi, il est clair que les cavaliers, en ce moment avec nous, pensent que tous les objets sur lesquels ils ont fait main basse sont à eux non moins qu’à nous, et, par Jupiter, plus encore. Or, il en est ainsi de toute nécessité. Si donc nous pouvons nous créer une cavalerie qui ne le cède point à la leur, n’est-il pas évident pour vous tous que nous pourrons, sans eux, faire aux ennemis ce que nous faisons maintenant avec eux, et que nous les verrons se montrer moins fiers avec nous ? Qu’ils veuillent, en effet, demeurer ou s’en aller, nous nous en soucierons fort peu, quand nous pourrons, sans eux, nous suffire à nous-mêmes. Soit. Maintenant, je le crois, il n’est personne de vous qui ne convienne qu’il y a urgence à former chez les Perses une cavalerie nationale. Mais vous vous demandez peut-être comment on peut la créer. Ne pouvons-nous pas examiner, voulant former une cavalerie, ce que nous avons et ce qui nous manque ? Nous avons dans le camp toute cette immense quantité de chevaux qui ont été pris, et des freins pour les conduire, et tous les harnais nécessaires aux chevaux. Nous avons aussi tout ce dont a besoin le cavalier, des cuirasses pour couvrir le corps, des javelots à lancer ou à tenir à la main. Que faut-il de plus ? Évidemment des hommes. Or, c’est ce qui nous manque le moins.