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battez donc de pied ferme. Il y aurait folie à vouloir vaincre en ne présentant à l’ennemi, par la fuite, que des corps qui sont sans yeux, sans mains et sans armes ; et celui-là encore serait fou qui voudrait sauver sa vie en fuyant ; car chacun sait que les vainqueurs se sauvent, mais que ceux qui fuient périssent plutôt que ceux qui tiennent bon : enfin, ce serait encore folie, quand on aime les richesses, de se laisser vaincre. Qui donc ignore, en effet, que les vainqueurs gardent tout ce qui leur appartient, tandis que les vaincus perdent à la fois eux-mêmes et tout ce qu’ils possèdent ? » Voilà où en était l’Assyrien.

Cyaxare envoie dire à Cyrus qu’il est temps de marcher à l’ennemi : « Les Assyriens, dit-il, n’ont en ce moment que très-peu de monde hors des retranchements, et, pendant que nous marcherons, ils deviendront plus nombreux. Ainsi n’attendons pas qu’ils soient plus que nous ; chargeons-les pendant que nous croyons pouvoir facilement les accabler. » Cyrus lui répond : « Cyaxare, si nous ne défaisons pas au moins la moitié de leur armée, sois sûr qu’ils diront qu’effrayés de leur nombre nous n’avons osé en attaquer qu’une petite partie ; ils ne se croiront point battus ; il te faudra un second combat, où peut-être ils prendront des dispositions meilleures que leurs dispositions actuelles, vu qu’ils se livrent à notre discrétion et nous laissent maîtres de choisir avec quel nombre d’ennemis nous voulons avoir affaire. » Les messagers s’en retournent avec cette réponse.

Sur ce point arrive le Perse Chrysantas et quelques autres homotimes, amenant des transfuges. Cyrus, comme de juste, questionne les transfuges sur ce qui se passe chez les ennemis. Ils disent que les Assyriens sortent en armes de leur camp ; que le roi en personne les range en bataille, qu’il leur fait beaucoup de belles et fortes exhortations, à mesure qu’ils sont dehors, du moins à ce que leur ont dit ceux qui les ont entendues. Alors Chrysantas dit : « Eh bien, Cyrus, si tu assemblais aussi tes soldats pour les haranguer ; tu en as encore le temps ; est-ce que tu ne les rendrais pas plus braves ? » Cyrus répond : « Chrysantas, ne te mets pas en peine des harangues des Assyriens ; il n’y a pas d’exhortation si belle qu’elle puisse rendre braves sur-le-champ ceux qui ne l’étaient point avant de l’entendre, qui forme des archers, s’ils ne se sont pas instruits auparavant, pas plus que des hommes de trait ou des cavaliers, ni qui donne aux corps une trempe capable de résister à la fatigue, si l’on n’a commencé par l’exercer. » Chrysantas répond : « Mais ce