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qu’on les fasse ressouvenir ; mais c’est gagner beaucoup que de pouvoir rendre les hommes bons par suggestion. En agissant de la sorte, vous aurez fait vous-mêmes vos preuves : car celui qui peut, en pareille occurrence, rendre les autres meilleurs, a, comme de juste, la conscience d’être un homme parfait, tandis que celui qui n’a que pour lui-même le souvenir des leçons qu’il a reçues et qui s’y tient, ne doit se considérer que comme un demi-brave. Voici pourquoi, moi, je ne leur parle point et je vous engage à leur parler, c’est qu’ils chercheront à vous plaire ; car vous les avez sous les yeux, chacun dans votre compagnie. Sachez que, tant qu’ils vous verront pleins de résolution, vous leur donnerez, ainsi qu’à beaucoup d’autres, une leçon non plus théorique, mais pratique, de courage. Maintenant, ajoute-t-il en terminant, allez dîner sans quitter vos couronnes, faites des libations, et retournez à vos bataillons la tête toujours couronnée. »

Quand ils sont sortis, Cyrus mande les serre-files, et les exhorte en ces mots : « Soldats perses, vous voilà devenus des homotimes, des soldats d’élite, vous qui ressemblez pour tout le reste aux guerriers de distinction, et en outre l’âge a augmenté votre prudence. Vous avez donc un rang non moins honorable que ceux qui occupent le premier : quoique placés au dernier, observez-les, excitez-les à se montrer encore plus braves, et, si quelqu’un d’eux mollit, remarquez-le et ne le lui permettez pas. Il vous convient d’ailleurs plus qu’à tout autre de remporter la victoire, à cause de votre âge et du poids de votre armure. Quand ceux des premiers rangs vous inviteront par des cris à les suivre, écoutez-les, et, pour ne leur céder en rien, pressez-les à votre tour de vous mener plus vite aux ennemis. Allez, dit-il, et, quand vous aurez dîné, revenez, la couronne sur la tête, rejoindre vos camarades aux bataillons. »

Voilà où l’on en était dans le camp de Cyrus. Les Assyriens, qui avaient déjà dîné, sortent résolument de leurs retranchements et se rangent avec assurance. Leur roi en personne préside à leur ordre de bataille, monté sur un char et les stimulant en ces mots : « Soldats assyriens, dit-il, il faut en ce moment être des gens de cœur ; car, en ce moment, vous avez à combattre pour votre vie, pour le pays qui vous a vus naître, le foyer où vous avez été nourris, vos femmes, vos enfants, tous les objets qui vous sont chers. Vainqueurs, vous serez maîtres de tous ces biens, comme par le passé ; vaincus, sachez que vous abandonnerez tout aux ennemis. Animés par le désir de vaincre, com-