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nemis sans avoir l’air de craindre à leurs yeux et à ceux de nos troupes ; mais il faut montrer que nous ne combattons pas malgré nous. » Cyaxare est de cet avis : de ce moment l’armée ne marche plus qu’en bataille, faisant chaque jour autant de chemin qu’il plaît aux chefs. Elle prenait toujours son repas au grand jour, et la nuit, elle n’allumait point de feu dans l’intérieur du camp : on n’en brûlait qu’en avant du camp, afin que, si quelqu’un s’approchait la nuit, on pût le voir au moyen du feu, sans être vu des arrivants. Quelquefois on allumait le feu sur les derrières du camp, pour donner le change aux ennemis ; en sorte que leurs espions tombaient dans les gardes avancées, croyant être loin du camp à cause des feux allumés sur les derrières.

Cependant les Assyriens et leurs alliés, quand les deux armées sont voisines l’une de l’autre, creusent un fossé autour de leur camp, ce que pratiquent encore les rois barbares quand ils campent ; et comme ils ont beaucoup de bras, ils creusent très-vite ce fossé. Ils savent que, durant la nuit, la cavalerie est en désordre et devant le râtelier ; et si l’on vient les attaquer, c’est toute une affaire la nuit de détacher les chevaux, une affaire de les brider, une affaire de les équiper, une affaire d’endosser la cuirasse ; enfin l’on voudrait sauter sur son cheval et traverser le camp au galop, que c’est tout à fait impossible. En raison de tout cela, les Assyriens et les autres barbares se creusent un retranchement, et ils pensent en même temps que ce fossé leur donne la liberté de ne combattre que s’ils le veulent. Tout en agissant ainsi, les deux armées s’approchent l’une de l’autre.

Quand il n’y a plus entre elles que la distance d’une parasange, les Assyriens placent leur camp dans un lieu fortifié de retranchements, comme je viens de le dire, mais découvert ; Cyrus, au contraire, dans l’endroit le plus caché possible, derrière des villages et des collines, convaincu qu’à la guerre les mouvements inopinés sont plus propres à effrayer l’ennemi. Cette nuit, quand les gardes avancées ont été placées aux postes convenables, on va de part et d’autre prendre du repos.

Le lendemain, l’Assyrien, Crésus et les autres chefs laissent leurs troupes tranquilles dans le retranchement ; mais Cyrus et Cyaxare rangent les leurs en bataille, et attendent, si l’ennemi s’avance, le moment de combattre. Quand il est certain qu’ils ne sortiront pas de leur retranchement et qu’il ne se passera rien de tout le jour, Cyaxare, appelant Cyrus et ceux