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vront leurs armes. Mais je sais par expérience que les discours de ceux qui peuvent, à leur gré, faire du bien ou du mal, pénètrent plus intimement dans l’âme de ceux qui les écoutent ; il en est ainsi de leurs présents ; lors même qu’ils ont moins de valeur que ceux qui sont offerts par des égaux, ils sont beaucoup plus prisés par ceux qui les reçoivent. Maintenant donc les Perses, exhortés par Cyrus, seront beaucoup plus contente que si nous les excitions nous-mêmes. Élevés au rang des homotimes, ils se tiendront plus assurés dans la possession d’une dignité qui leur vient du fils du roi et de leur général, que s’ils étaient élevés par nous. Cependant nous ne devons point leur faire défaut, mais nous devons, par tous les moyens, enflammer vivement le cœur de ces hommes. Car notre intérêt veut qu’ils soient encore plus courageux. »

Alors Cyrus fait déposer les armes par terre, convoque tous les soldats de Perse, et leur dit : « Soldats perses, vous êtes tous nés et vous avez tous été élevés dans le même pays que nous ; vous avez des corps aussi robustes que les nôtres, et vos courages ne sont point inférieurs à nos courages. Cependant, tels que vous êtes, vous, n’êtes point avec nous, dans la patrie, sur le pied de l’égalité, non que vous ayez été exclus par nous-mêmes, mais parce qu’il y avait pour vous nécessité de vous procurer le nécessaire. Aujourd’hui, j’aurai soin, avec l’aide des dieux, de vous procurer ce qu’il vous faut ; vous pouvez donc, si vous voulez, prendre des armes semblables aux nôtres, avoir les mêmes dangers que nous, et, s’il en résulte quelque action belle et bonne, obtenir des récompenses égales aux nôtres.

« Jusqu’à présent nous ne nous sommes servis, les uns et les autres, que de l’arc et du javelot ; et si votre adresse était moindre que la nôtre dans ces exercices, il n’y a rien d’étonnant ; vous n’aviez pas le même loisir que nous pour vous y livrer. Mais, quand vous aurez pris ces nouvelles armes, nous n’aurons plus d’avantage sur vous. Une cuirasse qui s’ajuste à la poitrine est là pour chacun de vous ; un bouclier pour le bras droit, comme nous avons l’habitude d’en porter, un sabre ou une sagaris pour la main droite, afin d’en frapper l’ennemi, sans craindre de porter des coups mal assurés.

« Dès lors, en quoi différerons-nous les uns des autres, si ce n’est parle courage ? Il ne vous est plus permis d’en montrer moins que nous. Le désir de la victoire, qui donne et maintient tous les biens et tous les honneurs, nous est-il donc plus naturel qu’à vous ? Et le triomphe qui assure au vainqueur tous les avan-