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tion chez les hommes que des endroits malsains ou salubres : et de plus, on a dans les deux cas des témoignages manifestes dans la constitution et dans le teint des habitants. Cependant il ne suffit pas de considérer la localité, mais il faut te souvenir des soins que tu prends toi-même pour conserver ta santé. — Par Jupiter, répond Cyrus, je veille avant tout à ne point trop me remplir ; c’est chose fort incommode ; puis je prends de l’exercice pour digérer ; et ce moyen me paraît excellent pour me conserver la santé et y ajouter de la vigueur. — C’est bien, mon garçon, mais il faut penser aux autres. — Oui, mon père ; mais les soldats ont-ils le temps de s’exercer le corps ? — Par Jupiter, dit le père de Cyrus, ce n’est pas seulement une chose bonne, mais indispensable. Il faut qu’une armée, pour accomplir ses devoirs, ne cesse pas un instant de faire du mal aux ennemis, ou du bien à elle-même. Or, s’il est difficile, mon garçon, de nourrir un homme oisif, s’il est plus difficile de nourrir une maison entière, le plus difficile de tout c’est de nourrir une armée oisive. Car il y a dans une armée beaucoup de bouches qui mangent, qui se mettent en campagne avec très-peu de chose et qui consomment largement ce qu’on leur donne ; ainsi une armée ne doit pas rester oisive. — Tu veux dire, mon père, que, s’il n’y arien à faire d’un laboureur paresseux, il n’y a rien à faire d’un général oisif. — Aussi j’affirme qu’un général actif, si quelque dieu ne traverse son action, saura mettre sous nos yeux des soldats bien pourvus du nécessaire, et leur donner des corps bien portants. — Quant aux manœuvres militaires, je pense, mon père, qu’il sera bon d’établir certaines luttes et de proposer un prix : ce sera un bon moyen d’encourager les soldats à bien faire et de les avoir tout préparés pour s’en servir au besoin. — Tu as raison, mon garçon. En faisant cela, sois sûr que tu verras que tes troupes seront aussi bien dressées que des chœurs de danse.

— Je te dirai encore, reprend Cyrus, que, pour donner du cœur aux soldats, je ne vois rien de meilleur que de remplir ses hommes de belles espérances. — Oui, mon garçon ; mais c’est faire là comme si à la chasse on appelait toujours ses chiens du cri usité quand on aperçoit la bête. D’abord, je le sais bien, ils s’empressent d’obéir ; mais, si on les trompe plusieurs fois, ils finissent, même quand on les appelle réellement, au vu de la bête, par ne plus obéir. Il en est de même de l’espérance. Si l’on fait souvent entrevoir l’attente d’un bien mensonger, on finit par ne plus persuader, même quand on parle d’un espoir