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savoir gouverner les autres hommes de manière à leur procurer abondamment le nécessaire et les rendre tous tels qu’ils doivent être, nous paraissait une œuvre réellement admirable. — Oui, par Jupiter, mon père, dit Cyrus, je me rappelle que tu disais cela. Aussi me semblait-il qu’une œuvre gigantesque, c’est de bien gouverner. Et maintenant même encore je suis dans la même idée, quand, en y réfléchissant, je considère le gouvernement en lui-même. Seulement, quand, regardant les autres hommes, je considère et ce que sont les gouvernants, et ce que sont particulièrement nos antagonistes, il me semble qu’il serait honteux de craindre ces gens-là et de ne pas vouloir les attaquer. En effet, je vois que tous, à commencer par nos alliés, s’imaginent que la principale différence entre le gouvernant et les gouvernés, c’est de faire meilleure chère, d’avoir plus d’or dans ses coffres, de dormir plus longtemps, de vivre en se donnant moins de peine que les gouvernés. Moi, au contraire, je pense que la différence entre le gouvernant et les gouvernés ne consiste pas dans la vie plus facile, mais dans une prévoyance plus active et un plus grand amour du travail. — Oui, mais, mon garçon, il y a des circonstances où il faut lutter non pas contre les hommes, mais contre les choses elles-mêmes, et il n’est pas toujours facile d’en triompher sans obstacle. Par exemple, tu sais que, si ton armée n’a pas le nécessaire, ton commandement s’évanouira bientôt. — Cela est vrai, mon père ; mais Cyraxare a dit qu’il fournira ce qu’il faut à tous ceux qui lui viennent d’ici, quel qu’en soit le nombre. — Tu pars donc, mon garçon, sur la foi des richesses de Cyaxare ? — Mais oui, dit Cyrus. — Et sais-tu précisément ce qu’il a ? — Non, par Jupiter, dit Cyrus, je n’en sais rien. — Tu comptes donc sur ce que tu ne sais pas ? Ainsi, tu auras besoin de bien des choses, il te faut même, dès à présent, faire mille et mille dépenses, ne le sais-tu pas ? — Je le sais, dit Cyrus. — Et s’il n’a pas le moyen de dépenser, s’il ment avec connaissance de cause, comment ira ton armée ? Il est évident que cela n’ira pas bien. — Alors, mon père, dit Cyrus, si tu vois quelque ressource qui s’ajoute aux miennes, tant que nous sommes encore en pays ami, dis-le-moi.

— Tu me demandes, mon garçon, s’il y a quelque ressource qui s’ajoute aux tiennes ? Mais qui peut mieux trouver des ressources que celui qui a la force en main ? Tu pars d’ici avec une infanterie qui n’a pas, j’en suis sûr, son égale au monde : la cavalerie des Mèdes, qui est très-forte va être ton alliée.