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à chaque homme cinq mines d’argent à leur arrivée à Babylone, et de leur payer la solde entière jusqu’à ce qu’ils soient de retour en Ionie. Ces promesses gagnent presque tous les Grecs ; mais Ménon, avant qu’on fût certain de ce que feraient les autres soldats, s’ils suivraient Cyrus ou non, convoque séparément les siens et dit : « Soldats, si vous m’en croyez, sans péril, sans fatigue, vous vous ferez mieux venir de Cyrus que tous les autres soldats. Que vous ordonné-je de faire ? Cyrus prie les Grecs de le suivre contre le roi. Moi, je vous dis donc qu’il nous faut passer l’Euphrate, avant qu’on sache au juste ce que les autres Grecs répondront à Cyrus. S’ils se décident à le suivre, on vous regardera comme les instigateurs, étant passés les premiers ; Cyrus vous saura gré de votre zèle, il vous payera, et il sait payer mieux que personne : si les autres ne se décident point, nous reviendrons tous sur nos pas ; et vous, étant les seuls qui ayez obéi, il vous emploiera, comme des gens dévoués, à la tête des garnisons et des loches. De quoi que ce soit que vous le priiez, j’en suis sûr, vous trouverez un ami dans Cyrus. »

Ces mots entendus, ils obéissent et traversent, avant la réponse des autres corps. Cyrus les voyant passés en est ravi, et leur fait dire par Glos[1] : « J’avais déjà lieu, soldats, de me louer de vous ; mais vous aurez aussi à vous louer de moi, je l’ai à cœur, ou bien croyez que je ne suis plus Cyrus. » À ces mots, les soldats, remplis de grandes espérances, lui souhaitent un plein succès. Ménon même dit-on, reçoit de lui de magnifiques présents. Cela fait, Cyrus traverse le fleuve, suivi de tout le reste de l’armée. Dans ce passage du fleuve, personne ne fut mouillé plus haut que la poitrine. Les habitants de Thapsaque disaient que jamais ce fleuve n’avait été guéable avant ce jour, sans bateau. Or, Abrocomas, qui avait précédé Cyrus, avait brûlé les bateaux pour empêcher le passage. On crut donc qu’il y avait là quelque chose de divin, et qu’évidemment le fleuve s’était retiré devant Cyrus, comme devant son futur roi.

On fait ensuite à travers la Syrie cinquante parasanges en neuf étapes, et l’on arrive sur les bords de l’Araxe. Il y avait en cet endroit de nombreux villages remplis de blé et de vin. On y demeure trois jours et l’on y fait des provisions.

  1. Fils de Tamus, et plus tard amiral de la flotte d’Artaxercès.