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car je guette le moment de m’échapper et de prendre mes amis pour aller à la chasse. » Alors Astyage : « Tu as bien fait, dit-il, de me prévenir, et je te défends absolument de bouger. Il serait bien que pour quelques morceaux de chair l’enfant de ma fille s’égarât par ma faute. »

En entendant cela, Cyrus obéit et demeure ; mais, morne et affligé, il passe le temps sans dire un mot. Alors Astyage, le voyant plongé dans ce profond chagrin, veut lui être agréable, et le conduire à la chasse. Il fait assembler force gens de pied et de cheval, ainsi que les enfants, et après avoir fait pousser les bêtes dans les terrains propres aux chevaux, il arrange une grande chasse. Suivi de son cortège royal, il vient lui-même et défend à qui que ce soit de lancer un seul trait avant que Cyrus soit las de la chasse ; mais Cyrus le prie de ne pas faire cette défense, et lui dit : « Si tu veux, grand-père, que j’aie du plaisir à chasser, permets à tous ceux de mon âge de poursuivre à l’envi, et laisse chacun faire de son mieux. »

Là-dessus, Astyage retire sa défense ; et, se tenant dans un lieu favorable, il regarde la troupe s’acharnant sur les bêtes, rivalisant, poursuivant, lançant des javelots. Surtout ce qui le ravit, c’est Cyrus, qui ne peut se taire de plaisir, mais qui, semblable à un chien de bonne race, jette les hauts cris en s’approchant du gibier, et appelle chacun par son nom. il se complaît à le voir railler l’un, et il le considère en louant un autre, sans la moindre apparence de jalousie. À la fin, Astyage fait emporter beaucoup de bêtes et s’en va. Et, par la suite, il était si charmé de cette chasse, que, toutes les fois qu’il le pouvait, il partait avec Cyrus, prenait avec lui un grand nombre de personnes, ainsi que les enfants, à cause de Cyrus. Cyrus passait donc ainsi la plus grande partie de son temps, divertissant et obligeant tout le monde, sans jamais faire aucun mal.

Quand il fut près de quinze ou seize ans, le fils du roi des Assyriens, étant sur le point de se marier, voulut faire une grande chasse. Ayant donc entendu dire que, sur les frontières de son pays et celles des Mèdes, il y avait beaucoup de gibier, parce qu’on n’y avait pas chassé à cause de la guerre, il désira y aller. Mais, afin de chasser en toute sûreté, il prend avec lui un grand nombre, de cavaliers et de peltastes, destinés à lui amener le gibier hors des fourrés, dans les endroits labourables et praticables. Arrivé aux forteresses où il y avait garnison, il s’y arrête pour souper, afin de commencer la chasse dès le lendemain matin.