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de même que pour le corps, les jeunes gens qui ont pris vite leur croissance, conservent cependant un air enfantin qui accuse leur âge, de même aussi chez Cyrus on ne trouvait aucune prétention, mais une sorte de naïveté simple et caressante, qui faisait qu’on préférait son babil à son silence quand on était avec-lui. Toutefois, à mesure qu’avec la croissance il approcha de la puberté, il commença à parler moins et d’une voix moins tranchante : il devint même si modeste, qu’il rougissait, dès qu’il se trouvait avec des personnes plus âgées ; cette habitude pétulante de petit chien, d’aborder indistinctement tout le monde, finit par disparaître en lui. Il n’en était que plus posé et plus aimable dans les réunions. Dans les exercices où les jeunes gens se défient souvent les uns les autres, il ne provoquait jamais ses compagnons aux choses qu’il était assuré de faire mieux qu’eux ; mais dans celles où il savait qu’il était le moins adroit, il commençait en disant qu’il essayerait de les vaincre. Ainsi, il commençait en sautant à cheval, en lançant le javelot, en tirant l’arc de dessus un cheval, n’y étant point encore solide ; et vaincu, il riait de lui du meilleur cœur.

Comme il ne se rebutait point d’un exercice parce qu’il y était faible, mais qu’il s’y attachait obstinément pour y devenir plus fort, il parvint d’abord bientôt à être de la force de ceux de son âge en équitation ; puis il les dépassa vite, grâce à son ardeur à cet exercice. Il ne tarda guère à dépeupler le parc de bêtes fauves, poursuivant, frappant, abattant ; si bien qu’Astyage ne savait plus où lui trouver du gibier. Cyrus, ayant remarqué que son bon vouloir à lui procurer beaucoup de bêtes vivantes demeurait sans effet, lui dit : « Grand-père, pourquoi te donner tant de peine à chercher des bêtes ? Envoie-moi à la chasse avec mon oncle ; tout ce que je verrai de bêtes, je croirai qu’elles ont été élevées pour moi. » Cependant, malgré son vif désir de sortir en chasse, il ne pouvait pas encore, lui, un enfant, faire trop d’instances, mais il abordait son grand-père avec une grande réserve. Et comme il se plaignait jadis de Sacas, qui l’empêchait d’aller voir son grand-père, il était devenu pour lui-même un Sacas : car il ne l’abordait qu’après s’être assuré de l’opportunité ; et il priait Sacas de lui faire savoir le moment où il pourrait se présenter, et celui où il ne le devait pas ; de sorte que Sacas le chérissait tendrement, comme tous les autres.

À la fin, Astyage, ayant remarqué qu’il avait une forte passion d’aller chasser au dehors, lui permit d’accompagner son oncle et