peu de vivres à vendre, n’ayant que peu d’argent pour en acheter. Vous étiez contraints de rester en Thrace : les trirèmes en rade vous empêchaient de mettre en mer : condamnés à demeurer là, il fallait être en pays ennemi, serrés par de nombreux cavaliers, par de nombreux peltastes. Noms avions des hoplites, c’est vrai ; en nous portant en force sur les villages, nous aurions peut-être pu prendre du grain, et encore en petite quantité ; mais se mettre à poursuivre, faire des prisonniers et enlever des bestiaux, impossible ; car je ne trouvai chez vous ni cavalerie, ni peltastes organisés.
« Si donc, quand vous étiez dans une telle détresse, je vous ai, sans exiger aucune solde, procuré pour allié Seuthès, qui avait des cavaliers et des peltastes dont vous manquiez, croyez-vous que j’aie mal servi vos intérêts ? Une fois réunis à ses troupes, vous avez trouvé des grains en plus grande abondance dans les villages, grâce à la nécessité où se trouvaient les Thraces de fuir avec plus de vitesse : vous avez eu votre part de bestiaux et d’esclaves. Nous n’avons plus revu d’ennemis, quand la cavalerie de Seuthès s’est jointe à nous, tandis que jusque-là ils nous harcelaient avec leurs cavaliers et leurs peltastes, nous empêchant de nous disperser autrement qu’en petit nombre et de nous procurer plus de vivres. Si celui qui vous a procuré cette sécurité ne vous a pas payés bien exactement, en plus de cette sécurité même, la solde qu’il avait promise, est-ce là un si grand malheur, et croyez-vous qu’il faille pour cela ne pas me laisser vivre ?
« Aujourd’hui, comment vous retirez-vous ? N’avez-vous pas comme excédant, après un hiver passé dans l’abondance de tout bien, ce que vous avez reçu de Seuthès ? Vous avez vécu aux dépens de l’ennemi ; et malgré cela, vous n’avez pas eu un homme de tué, vous n’avez pas perdu un homme vivant[1]. Mais de plus, si vous avez fait quelque bel exploit contre les barbares d’Asie, n’en avez-vous pas le mérite, et n’y ajoutez-vous pas en ce moment une autre gloire, celle d’avoir vaincu en Europe les Thraces avec lesquels vous êtes en guerre ? Oui, j’ai raison de le dire, ces griefs qui vous irritent contre moi, vous devriez en remercier les dieux, comme de bienfaits.
« Telle est votre position actuelle. Maintenant, au nom des dieux, considérez la mienne. Au moment où pour la première fois je m’embarquais afin de retourner dans ma patrie, je m’en
- ↑ C’est-à-dire fait prisonnier.