Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ensuite les Énians et le Magnésiens se lèvent et commencent en armes la danse nommée carpéa[1]. Voici en quoi consiste cette danse. Un des acteurs met ses armes à terre à côté de lui, sème son champ et conduit une charrue, en se retournant fréquemment comme un homme qui a peur. Un brigand survient. Dès que l’autre le voit, il saute sur ses armes, va au-devant de lui et se bat pour son attelage. Tous ces mouvements s’exécutent en cadence, au sonde la flûte. Enfin le brigand a le dessus, garrotte le laboureur et emmène son attelage. D’autres fois le laboureur bat le brigand ; il l’attache auprès de ses bœufs et le chasse devant lui, les deux mains liées au dos.

Après lui, Mysus entre, un bouclier léger dans chaque main. Tantôt il a l’air, dans sa danse, de se défendre contre deux ennemis, tantôt il se sert de ses deux boucliers contre un seul ; quelquefois il tourne et fait la culbute, sans lâcher ses boucliers ; si bien qu’il offre toujours un spectacle agréable. Il finit par la danse des Perses, en frappant d’un bouclier sur l’autre : il se met à genoux, il se relève, tout cela en mesure et au son de la flûte.

Viennent ensuite des Mantinéens et quelques autres Arcadiens, qui se lèvent, couverts de leurs plus belles armes, s’avancent en cadence, les flûtes jouant une marche guerrière, chantent un péan, et dansent comme il est d’usage dans les cérémonies religieuses. Les Paphlagoniens sont tout étonnés de voir toutes ces danses exécutées en armes. Mysus, s’apercevant de leur surprise, engage un Arcadien, qui avait une danseuse pour maîtresse, à l’introduire, revêtue de ses habits les plus beaux, et un bouclier léger à la main. Celle-ci danse la pyrrhique avec une grande légèreté. Aussitôt de grands applaudissements. Les Paphlagoniens demandent aux Grecs si les femmes combattent avec eux. On leur dit que ce sont elles qui ont mis le roi en fuite et l’ont chassé de son camp. Telle fut la fin de cette soirée.

Le lendemain, les Paphlagoniens sont amenés à la délibération des soldats, qui décident que l’on ne se fera plus de mal des deux côtés ; après quoi les députés repartent. Les Grecs, jugeant qu’ils ont assez de bâtiments, s’embarquent et naviguent avec le vent favorable pendant un jour et une nuit, ayant à gauche la Paphlagonie. Le lendemain on arrive à Sinope et on mouille

  1. C’est-à-dire La semeuse. Lucien, dans son traité curieux De la danse, n’a pas songé a parler de celle-ci. Elle méritait cependant une mention.