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il passe devant la ligne des Grecs, monté sur un char, et la reine de Cilicie dans une litière. Les soldats grecs avaient tous des casques d’airain, des tuniques de pourpre[1], des cnémides et des boucliers bien luisants.

Quand Cyrus a passé devant toute la ligne, il arrête son char devant le centre de la phalange, envoie Pigrès, son interprète, auprès des généraux grecs, et leur ordonne de porter les piques en avant et de faire avancer toute la colonne. Cet ordre est transmis aux soldats. Au signal de la trompette, les piques sont portées en avant et la colonne se met en marche ; puis le pas s’accélère avec des cris, et les soldats, par un mouvement spontané, se mettent à courir vers leurs tentes. Bon nombre de Barbares sont effrayés, notamment la reine de Cilicie, qui saute à bas de sa litière ; et les vivandières, laissant là leurs denrées, prennent la fuite, tandis que les Grecs rentrent en riant dans leurs tentes. La Cilicienne, voyant la belle tenue et la discipline de l’armée, est ravie, et Cyrus enchanté de l’effroi que les troupes grecques ont causé aux Barbares.

Il fait ensuite vingt parasanges en trois étapes, et arrive à Iconium, dernière ville de la Phrygie. Il y reste trois jours. De là, il traverse la Lycaonie, parcourant trente parasanges en cinq étapes. Il permet aux Grecs de piller cette contrée, comme étant pays ennemi. Il renvoie ensuite Épyaxa en Cilicie par le chemin le plus court, lui donnant pour escorte les troupes de Ménon de Thessalie, commandées par Ménon lui-même. Cyrus, avec le reste de ses forces, traverse la Cappadoce, fait vingt-cinq parasanges en quatre étapes, et arrive à Dana[2], ville peuplée, grande et riche. Il y séjourne trois jours.

Là, Cyrus fait mettre à mort un Perse, Mégapherne, porte-enseigne royal, et un autre officier subalterne, accusés par lui de haute trahison. On essaye ensuite de pénétrer en Cilicie. Le chemin qui y conduit, quoique accessible aux charrois, est roide, impraticable à une armée qui trouve la moindre résistance. On disait même que Syennésis était sur les hauteurs, pour défendre le passage. Cyrus reste donc un jour dans la plaine. Le lendemain, un messager vient lui dire que Syennésis a quitté les hauteurs à la nouvelle que le corps de Ménon était entré en Cilicie après avoir passé les montagnes, et sur

  1. On croit que ces tuniques étaient des espèces de gilets, qui ne descendaient pas au-dessous de la ceinture.
  2. Ce nom est corrompu. D’Anville croit qu’il s’agit ici de la ville de Tyane.