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les présente hospitaliers envoyés par les Tibarènes sont-ils refusés, et on leur ordonne d’attendre jusqu’à ce qu’on ait décida ; après quoi l’on sacrifie. Mais, après avoir immolé beaucoup de victimes, les devins s’accordent à dire que les dieux ne se sont nullement prononcés pour la guerre. On reçoit donc les présents ; et après avoir traversé ce territoire, pendant deux jours, comme pays ami, on arrive à Cotyore, ville grecque, colonie des Sinopéens, dans le pays des Tibarènes.

Jusqu’à cet endroit, l’armée avait été à pied. Voici le calcul de la route qu’elle avait faite dans sa retraite, depuis la bataille, près de Babylone, jusqu’à Cotyore : cent vingt-deux étapes, six cent vingt parasanges, ou dix mille six cents stades ; durée de la marche : huit mois. Elle reste à cette station quarante-cinq jours. On commence par offrir des sacrifices aux dieux : chaque nation grecque fait sa pompe et célèbre des jeux gymniques. On va prendre des vivres soit dans la Paphlagonie, soit sur le territoire des Cotyorites, attendu qu’ils ne voulaient point fournir de marché, ni recevoir les malades dans leurs murs.

Sur ces entrefaites arrivèrent des députés de Sinope. Ils craignaient et pour la ville des Cotyorites, qui dépend de la leur et qui leur paye tribut, et pour le territoire environnant, qu’on leur avait dit ravagé. Ils viennent au camp, et disent par l’organe d’Hécatonyme, homme réputé éloquent : « Soldats, la ville de Sinope nous envoie pour vous féliciter de ce que par vous la Grèce a vaincu les Barbares, et pour nous réjouir avec vous de ce qu’à travers mille dangers, dont le bruit est arrivé à nos oreilles, vous voilà sains et saufs dans ce pays. Grecs nous-mêmes, nous nous attendons à n’éprouver de vous, qui êtes Grecs, que de bons traitements et nulle injure, car jamais nous ne nous sommes mal conduite envers vous. Les Cotyorites, chez qui vous êtes, sont une de nos colonies : nous leur avons donné le pays enlevé aux Barbares ; et voilà pourquoi ils nous payent un tribut fixe, ainsi que les habitants de Cérasonte et de Trapézonte. En conséquence, tout le mal que vous leur ferez, la ville de Sinope croira le subir. Aujourd’hui nous apprenons que vous êtes entrés à main armée dans leur ville, que vous avez logé quelques-uns des vôtres dans les maisons, et que, sans leur aveu, vous prenez sur leur territoire ce dont vous avez besoin. Nous n’approuvons pas cette conduite. Si vous continuez d’agir ainsi, nous serons forcés de recourir à Corylas, aux Paphlagoniens, ou à tout autre que nous pourrons avoir pour ami. »

À ces mots, Xénophon se lève et répond au non des soldats :