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ordinaire : ils les font bouillir et s’en servent comme de pain. On trouva du vin, qui, bu pur, parut aigre à cause de sa rudesse, mais qui, trempé, prit un bouquet et un goût agréables.

Les Grecs dînent et continuent leur marche, après avoir remis la place aux Mossynèques, leurs alliés. De toutes les autres places qu’on trouva sur le chemin, et dans lesquelles il y avait des ennemis, les moins fortes furent abandonnées de leurs défenseurs, les autres se rendirent. Voici ce que c’est que la plupart de ces villes : elles sont entre elles à une distance d’environ quatre-vingts stades, les unes plus, les autres moins. On crie, et l’on s’entend d’une place à l’autre, tant le pays est élevé et creux. Quand les Grecs arrivent chez les Mossynèques, leurs alliés, ceux-ci leur montrent des enfants de gens riches, nourris, engraissés de châtaignes bouillies, délicats, très-blancs, à peu près aussi grands que gros. Ils ont le dos marqueté, et sur la poitrine un tatouage de fleurs. Ils tâchaient d’avoir commerce, aux yeux de tous, avec les filles que les Grecs avaient à leur suite : c’est un usage du pays. Tous sont blancs, hommes et femmes.

Les Grecs disent que, dans leur expédition, ils n’ont pas trouvé de peuples plus barbares et dont les mœurs s’éloignent plus de celles des Grecs. Ils font en public ce que partout ailleurs on fait à l’écart, et qu’on n’oserait pas faire si l’on était vu ; puis, quand ils sont seuls, ils font ce qu’on fait devant d’autres. Ils se parlent à eux-mêmes et se mettent à rire tout seuls ; ils dansent sans qu’il y ait personne, et n’importe où ils se trouvent, comme s’ils voulaient se faire voir.


CHAPITRE V.


On traverse le pays des Chalybes et des Tibarènes. — Arrivée à Cotyore. — Entrevue avec les Sinopéens.


Pour traverser ce pays, soit ennemi, soit ami, les Grecs emploient huit étapes. Ils sont peu nombreux et soumis aux Mossynèques. La plupart vivent de l’extraction du fer.

De là on arrive chez les Tibarènes. Le pays des Tibarènes est beaucoup plus uni, et leurs places, situées au bord de la mer, sont moins fortes. Les stratèges étaient d’avis de les attaquer de vive force, pour que l’armée y fît quelque butin : aussi