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était bordée d’arbres minces, mais serrés. Les Grecs s’avancent, se mettent à couper le bois et se hâtent pour sortir le plus tôt possible de ce mauvais pas. Mais les Macrons, armés de boucliers d’osier, de lances, et revêtus de tuniques de crin, s’étaient rangés en bataille de l’autre côté du fleuve. Ils s’encourageaient mutuellement et jetaient des pierres dans le fleuve ; aucune d’elles ne portait, et ils ne blessaient personne.

Alors un des peltastes, qui disait avoir été esclave à Athènes, vient trouver Xénophon et lui dit qu’il sait la langue de ces gens-là. « Je crois, dit-il, que c’est ici ma patrie, et, si rien ne s’y oppose, je veux causer avec eux. — Rien ne t’en empêche, dit Xénophon, cause, et demande-leur d’abord qui ils sont. » Ils répondent à cette question qu’ils sont Macrons. « Demande-leur donc alors, dit Xénophon, pourquoi ils se sont rangés contre nous et veulent être nos ennemis. » Ils répondent : « Parce que vous êtes venus sur notre terre. » Les stratèges leur font dire qu’ils ne songent à leur causer aucun tort. « Nous avons fait la guerre au roi, nous retournons en Grèce, nous voulons arriver à la mer. » Ils demandent si on leur en donnerait des gages. On leur répond qu’on est tout prêt à en donner et à en recevoir. Les Macrons donnent aux Grecs une pique barbare, et les Grecs aux Macrons une pique grecque : c’étaient là, chez eux, les gages ; des deux parts on prend les dieux à témoin.

Les gages donnés, les Macrons aident à couper les arbres, ouvrent la route, comme pour passer à l’autre rive, se mêlent aux Grecs, leur fournissent toutes les denrées qu’ils peuvent, et les guident pendant trois jours, jusqu’à ce qu’ils les aient amenés aux montagnes des Colques. Là se trouve une montagne haute, inaccessible, sur laquelle apparaissent les Colques, rangés en bataille. D’abord les Grecs se forment en phalange pour marcher sur la montagne ; mais les stratèges jugent convenable de se réunir et de délibérer sur le meilleur moyen d’attaque.

Xénophon propose de laisser de côté la phalange et de marcher en colonnes droites : « La phalange se rompra bientôt ; ici nous trouverons la montagne praticable ; là, elle ne le sera pas. Il y aura des découragements lorsque, rangés en phalange, on verra cet ordre se rompre. Ensuite, si nous marchons sur un ordre profond, les ennemis nous déborderont et tourneront contre nous, à leur gré, tout ce qui nous débordera. Si, au contraire, nous marchons sur un ordre sans profondeur, il