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dit Xénophon, y aura-t-il ou non quelque autre obstacle à notre passage ? car on ne voit en face qu’un petit nombre d’hommes, et encore n’y en a-t-il que deux ou trois d’armés. C’est un espace, comme tu vois, d’environ trois demi-plèthres, que nous avons à passer sous leurs pierres. Un plèthre entier est couvert de gros pins épars, sous lesquels nos hommes n’auraient rien à craindre, ni des pierres qu’on lance, ni de celles qu’on roule, il ne reste donc plus qu’un demi-plêthre environ à traverser au pas de course, pendant que les pierres cesseront de tomber. — Mais aussitôt, reprend Chirisophe, que nous nous mettrons à marcher pour arriver au couvert, les pierres pleuvront sur nous. — C’est justement ce qu’il faut, répond Xénophon ; ils n’en auront que plus tôt épuisé leurs pierres. Allons, avançons vers le point d’où nous aurons le moins à courir pour passer, si nous pouvons, et d’où la retraite sera plus facile, si nous reculons. »

Cela dit, Chirisophe et Xénophon s’avancent avec Callimaque de Parrhasie, l’un des lochages qui, ce jour-là, était à la tête de l’arrière-garde : les autres lochages restent à l’abri. Alors soixante-dix hommes environ se portent derrière les arbres, non pas en troupe, mais un à un, chacun se tenant de son mieux sur ses gardes. Agasias de Stymphale, et Aristonyme de Méthydrie, aussi lochages de l’arrière-garde et d’autres Grecs se tiennent debout hors de l’espace planté, car il y avait du danger à faire entrer plus d’un loche sous les arbres. Callimaque s’ingénie alors d’un bon moyen. Il court à deux ou trois pas de l’arbre sous lequel il se tenait, puis, aussitôt que les pierres pleuvent, il se retire en toute hâte. À chacune de ses courses, on lui lance plus de dix charretées de pierres. Agasias voyant ce que faisait Callimarque, sur lequel l’armée entière avait les yeux tournés, et craignant qu’il n’arrivât le premier au poste, n’appelle ni Aristonyme son voisin, ni Euryloque de Lousie, tous deux ses amis, ni personne autre, mais il marche seul et les devance. Callimaque, qui le voit passer, le saisit par le bord de son bouclier ; mais en même temps Aristonyme de Méthydrie les dépasse, et, après lui, Euryloque de Lousie : tous font assaut de courage, rivalisent entre eux, et, en se disputant de la sorte, finissent par enlever la position. En effet, dès qu’il y en eut un de monté, il ne tomba plus d’en haut une seule pierre.

On vit alors un affreux spectacle. Les femmes, jetant leurs enfants, se jettent ensuite, et leurs maris les suivent. Énée de