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MÉMOIRES SUR SOCRATE[1].


LIVRE PREMIER.


CHAPITRE PREMIER.

C’est faussement qu’on a accusé Socrate de mépriser les dieux de l’État et d’en introduire de nouveaux.

J’ai souvent admiré par quels arguments les accusateurs de Socrate ont jadis persuadé aux Athéniens qu’il méritait la mort, comme criminel d’État. Voici, en effet, quels étaient à peu près les termes de l’accusation : « Socrate est coupable de ne point reconnaître les dieux que reconnaît la cité et d’introduire des extravagances démoniaques : il est coupable de corrompre les jeunes gens[2]. »

Et d’abord, il ne reconnaissait pas les dieux que reconnaît la cité. Mais quelles preuves en donnait-on ? On le voyait sacrifier souvent, soit dans sa maison, soit sur les autels publics,

  1. Nous avons eu sous les yeux pour la traduction et pour les notes les éditions classiques de MM. H. Martin et Sommer. Le titre de Mémoires ou Souvenirs a été donné à cet ouvrage par Xénophon lui-même, et c’est celui sous lequel Diogène de Laërte et les autres écrivains grecs l’ont cité. Ce nom exprime parfaitement la nature de l’ouvrage. Diogène de Laërte dit que Xénophon publia sous le titre de Mémoires les notes qu’il avait eu soin de prendre pendant les entretiens de Socrate. — Cf. le Mémoire sur Socrate de M. Adolphe Garnier, dans le compte rendu de l’Académie des sciences morales et politiques, t. XXXII, p. 407 et suivantes.
  2. « Voici comment cet acte est reproduit par Diogène de Laërte, tel qu’il était encore conservé de son temps (iie siècle avant J.-C.), au témoignage du philosophe Phavorinus, dans le temple de Cybèle, qui servait de greffe aux Athéniens : « Mélétus, fils de Mélétus, du bourg de Pithos, accuse par serment Socrate, fils de Sophronisque, du bourg d’Alopèce. Socrate est coupable en ce qu’il ne reconnaît pas les dieux de la république et met à leur place des extravagances démoniaques. Il est coupable en ce qu’il corrompt les jeunes gens. Peine, la mort. » Victor Cousin.