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teur, sans se douter que c’est avant tout le littéral, le texte même, avec son mouvement, son allure propre et jusqu’à ses défauts, qu’il faut saisir et fixer dans le moule français. L’autre, appliquant le système des phrases périodiques et ronflantes aux idées les plus simples, affuble les naïvetés de Cyrus enfant, des expressions les plus prétentieuses et les plus guindées. Un autre, dans le traité de la Chasse, livre tout technique et d’un aimable sans-façon dans le style, craindrait de dire, en parlant des moyens de reconnaître les gîtes du lièvre : « Quand on voit les traces du lièvre mener à ces cachettes. » Cette tournure est trop terre à terre, tandis que celle-ci : « Lorsque ses pas tendent vers ces lieux, » lui paraît de beaucoup meilleure, sans doute à cause du profond demi-jour qui l’enveloppe. Mais à quoi bon insister sur cette critique et multiplier les exemples ? Persuadé que la règle première, essentielle du traducteur, est la convenance du ton, c’est-à-dire l’attention la plus scrupuleuse à modeler son style sur celui de son auteur, nous avons fait de notre mieux pour échapper au défaut qui nous a choqué chez les autres. Nos lecteurs jugeront si nous avons réussi.

Pour le texte, nous avons eu sous les yeux les éditions de Schneider, de Weiske et de Dindorf, qui contiennent l’ensemble des œuvres ; mais cela ne nous a point empêché de recourir aux éditions particulières de quelques traités, que nous avons mentionnées dans les notes. En un mot, nous n’avons voulu rien épargner pour que cette nouvelle traduction fût comme un remercîment à l’accueil bienveillant que le public a daigné faire à notre traduction de Lucien. Les œuvres de l’historien philosophe n’ont pas, il faut l’avouer, cette verve étourdissante, cette raillerie piquante, inépuisable, de l’auteur des Dialogues, encore moins cette malignité sceptique et irrévérencieuse, qui caresse nos instincts, notre humeur toujours un peu opposante ou jalouse, et qui trouve un écho dans le cœur même des plus tolérants : plaisir dont l’âpreté ne laisse pas d’avoir ses dangers. Mais, outre que l’esprit proprement dit est loin de manquer à Xénophon, il a des qualités solides et positives qui le