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pression sur celui qui le lit. Il s’en garde, au contraire, avec une sorte de coquetterie. Bien avisé qui l’y prendra. Aucun chapitre de son Histoire grecque, de son Expédition de Cyrus, ne se termine par une sentence, une image préméditée. Ainsi, le récit, d’ailleurs si attachant, de la bataille de Cunaxa, finit de la manière la plus imprévue, comme certaines odes d’Horace. Après un éloge d’Artapatès, le plus dévoué des porte-sceptres de Cyrus, il dit que le roi vainqueur le fit tuer sur le cadavre de son maître, et il ajoute : « D’autres prétendent qu’il s’égorgea lui-même, après avoir tiré son cimeterre, car il en avait un à poignée d’or, et il portait un collier, des bracelets et autres ornements, ainsi que les premiers des Perses : Cyrus l’avait en estime pour son dévouement et sa fidélité. » Cette citation est un exemple entre mille, comme les lecteurs studieux pourront s’en convaincre.

Avec tant de qualités fortes et solides de l’esprit, rehaussées par les grâces charmantes du style, il aurait été bien extraordinaire que Xénophon n’eût pas tenté le bon vouloir et le zèle des traducteurs. Ils ne lui ont pas fait défaut, et le Manuel du libraire, de Brunet, en contient une liste nombreuse, où brillent les noms d’hommes infiniment honorables et d’une science profonde. N’est-ce pas alors, de notre part, une grande présomption d’essayer après eux une traduction nouvelle ? Nous répondrons franchement, et sans fausse modestie, que nous ne le pensons pas. Une lecture suivie de l’auteur grec et de ses truchements nous a convaincu qu’il y avait plus qu’à glaner sur leurs traces dans le champ de l’interprétation : la moisson était presque toute à faire. Qu’est-ce, en effet, qu’une traduction ? Une copie exacte, fidèle, aussi parfaite que le permet la différence des procédés, c’est-à-dire des idiomes. Et quel est le premier mérite d’une copie ? La ressemblance, la reproduction vraie de la physionomie du modèle. S’il en est ainsi, Xénophon n’a pas eu réellement et sérieusement tous les traducteurs que la patience de Brunet a énumérés dans sa nomenclature. L’un se contente de donner un sens approchant, une image quelconque de l’au-