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ressentiment d’une âme aigrie ; cependant on ne peut disconvenir qu’il n’y ait un air frappant de vérité dans la peinture moqueuse des préférences jalouses et des exclusions injustes du peuple athénien. Toutefois ce n’est point complètement sa faute : cette malignité capricieuse et rancunière est une maladie inhérente à sa constitution. Montesquieu l’a signalé avec sa pénétration accoutumée : « Il y avait un grand vice, dit-il, dans les républiques anciennes : c’est que le peuple avait le droit d’y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution, chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui, du moins, est à sa portée. » Si donc, dans la constitution lacédémonienne, l’individu est subordonné à la cité, dans le régime athénien, c’est la cité qui devient subordonnée à l’individu. Or, c’est cette prédominance de l’unité simple sur l’unité collective, qui déplaisait à Socrate, à Xénophon, à Platon, et même à leur ennemi personnel Aristophane ; et ce qu’il y a d’étrange, c’est de voir justement des hommes en qui l’individualité s’accuse à nos regards dans sa plus grande force et dans sa plus puissante originalité, ne point dissimuler leur sympathie pour le système de gouvernement qui tendait le plus à l’effacer et à la faire disparaître. Résumons tout, du reste, par une réflexion de Herder : « À la fois guerrier et homme d’État, Xénophon indiqua dans la constitution d’Athènes des défauts qu’il n’eut pas le pouvoir de corriger. »

L’opuscule intitulé des Revenus est, sans contredit, un des plus anciens traités de finance. Plusieurs érudits, et parmi eux le savant Letronne, attribuent cet ouvrage à la vieillesse la plus avancée de Xénophon ; d’après leurs calculs, il l’aurait écrit un an avant sa mort : ce serait son testament littéraire et patriotique. Entre autres arguments, on s’autorise de cette phrase : « Comment ne pas entreprendre sur-le-champ cette réforme, afin que, de notre vivant, nous voyions notre patrie tranquille et florissante ? » On la regarde comme le vœu d’un vieillard, qui va descendre dans la tombe. Après une lecture attentive de la