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leurs esclaves, et de la vénalité de la justice, surtout parmi les partisans outrés de la démocratie ; il insiste ensuite assez longuement sur la puissance maritime d’Athènes, dont il apprécie avec beaucoup de sens le bien et le mal ; mais, après s’être montré plus bienveillant que sévère sur ce point, il se repent, en quelque sorte, de son indulgence, et retrouve dans sa pensée et dans son style des formes ironiques, acerbes, pour exprimer son jugement sur le caractère du peuple athénien. Le passage est curieux :

« Quand le peuple, dit-il, fait des traités, il est toujours maître d’en rendre responsable celui-là seul qui a donné le conseil ou rédigé le décret, et de dire aux autres : « Je n’étais pas là ; je n’approuve pas la convention. » On fait une proposition à l’assemblée populaire. Si le peuple n’est pas de cet avis, il trouve mille prétextes pour ne pas faire ce qu’il ne veut pas. S’il résulte quelque malheur de ce que le peuple a décidé, le peuple accuse la minorité, dont l’opposition a tout perdu : si tout va bien, il s’en attribue uniquement la cause.

« Les comédies et les brocards dirigés contre le peuple ne sont point permis, parce qu’on ne veut pas entendre dire du mal de soi ; mais on les autorise quand ils attaquent les particuliers, parce qu’on sait bien que le personnage de la comédie n’est d’ordinaire ni un homme du peuple ni un des derniers citoyens, mais un riche, un noble, un puissant, qu’il y a peu de pauvres ou de plébéiens traduits sur la scène, et que, s’il y en a, ce sont des brouillons, des gens qui cherchent à se mettre au-dessus du peuple : espèce d’hommes qu’on n’est pas fâché de voir tournés en ridicule par la comédie.

« Je ne prétends donc pas que le peuple, à Athènes, ne sache pas distinguer le bon citoyen du mauvais ; mais le sachant, il éprouve de la sympathie pour ce dernier, si mauvais qu’il soit, parce qu’il en tire parti et avantage : quant au premier, il le déteste de préférence. Il croit, en effet, la vertu faite pour le malheur, et non pour le bonheur des gens. »

Il faut, dans ces lignes, faire une assez large part au