Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/609

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus favorables à l’empire de la mer ; car la plupart des villes auxquelles la mer est nécessaire sont bâties dans les environs de votre cité, et elles sont toutes plus faibles que vous. Ensuite, vous possédez des ports, sans lesquels il n’y a pas de puissance maritime. Vous avez en outre beaucoup de trirèmes, et c’est chez vous une habitude héréditaire d’augmenter sans cesse la marine. D’ailleurs, tous les arts que requiert cette puissance ont pris chez vous droit de cité ; et, pour ce qui est de l’habileté dans la marine, vous laissez tous les peuples bien loin derrière vous. La plupart d’entre vous, en effet, ne vivent que de la mer, de sorte que, tout en soignant vos intérêts particuliers, vous devenez habiles dans les manœuvres navales. Mais il y a plus : aucun port ne pourrait fournir plus de vaisseaux à la fois que le vôtre, ce qui n’est pas peu de chose pour l’hégémonie, attendu que tout le monde préfère venir se réunir autour de celui qui est en force dès l’origine. D’ailleurs les dieux mêmes vous ont donné de réussir en cela. Vous avez livré les batailles navales les plus nombreuses et les plus grandes, vous n’avez essuyé que peu de revers, et vous avez, au contraire, remporté le plus de succès ; il est donc naturel que les alliés préfèrent courir avec vous les chances de ces combats.

« Du reste, la nécessité et le devoir qui vous sont imposés de veiller à votre marine, vous les comprendrez par ce que je vais dire. Les Lacédémoniens vous faisaient la guerre depuis de longues années, et, bien que vainqueurs sur terre, ils n’avançaient en rien votre ruine. Mais, aussitôt que la divinité leur eut accordé d’être vos maîtres sur mer, vous leur fûtes aussitôt complètement assujettis. N’est-ce donc pas là une preuve évidente que tout votre salut dépend de votre puissance maritime ? Cela étant, comment serait-il de votre intérêt de laisser aux Lacédémoniens l’empire de la mer, puisqu’ils conviennent eux-mêmes de leur infériorité dans la marine, et que les chances ne sont pas égales dans les batailles navales, vu qu’ils n’exposent que les hommes qui sont sur leurs trirèmes, tandis que vous risquez le sort de vos enfants, de vos femmes et de votre ville tout entière.

« Voilà pour vous l’état de la question. Voyons maintenant ce qui regarde les Lacédémoniens. Et d’abord ils habitent au milieu des terres, de sorte que, s’ils sont maîtres sur terre, leur existence n’est nullement compromise par les revers maritimes. C’est parce qu’ils l’ont senti eux-mêmes, que, dès leur