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soient un stimulant au zèle que vous leur devez. Sachez bien, en effet, que ceux qui leur[1] restent fidèles dans les revers rougiraient de ne pas vous témoigner leur reconnaissance.

« Si nous, qui ne paraissons que de faibles villes, nous voulons cependant partager leurs dangers, songez que, votre cité se joignant à nous, ce ne seront plus de petits États qui leur viendront en aide. Pour moi, Athéniens, j’ai toujours précédemment envié votre ville, quand j’entendais dire que tous les gens opprimés ou menacés d’oppression s’y étaient réfugiés et y avaient obtenu des secours ; mais maintenant je n’entends pas seulement, je vois par moi-même les prières que les Lacédémoniens, cette nation renommée, et leurs plus petits alliés, sont venus ensemble vous adresser, en vous suppliant de les secourir. Je vois aussi les Thébains, qui naguère n’ont pu persuader les Lacédémoniens de vous réduire en esclavage, vous demander maintenant et regarder avec indifférence la perte de ceux qui vous ont sauvés.

« On dit, à la gloire de vos ancêtres, qu’ils n’ont pas permis que les Argiens morts devant la Cadmée restassent sans sépulture. Il serait beaucoup plus glorieux de votre part de ne pas laisser outrager ni détruire les Lacédémoniens encore vivants. Certes, c’est aussi une belle action que d’avoir réprimé l’insolence d’Eurysthée et sauvé les enfants d’Hercule ; mais comment ne serait-il pas encore plus beau de sauver non-seulement les fondateurs de la ville[2], mais la ville entière ? Cependant la plus belle action serait de secourir maintenant, les armes à la main et à travers les dangers, les Lacédémoniens, qui, jadis, vous sauvèrent par un vote sans danger. Si nous-mêmes nous sommes fiers de vous exhorter à secourir un peuple de braves, ne serait-ce pas chez vous, qui pouvez les secourir efficacement, un acte éclatant de générosité, qu’après avoir été souvent amis et ennemis des Lacédémoniens, vous oubliiez plutôt leurs injures que leurs bienfaits ? Et vous leur témoigneriez votre reconnaissance, non-seulement en votre nom, mais au nom de toute la Grèce, dont ils ont bien mérité. »

Après ce discours, les Athéniens vont aux voix. Ils refusent d’écouter ceux qui parlent dans un sens opposé, votent un secours en masse aux Lacédémoniens, et choisissent Iphicrate

  1. C’est-à-dire aux Lacédémoniens.
  2. Littéralement les archégètes ou chefs de la famille des Héraclides,