Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/579

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui croisent dans les eaux de l’Attique, ainsi que la Paralos et la Salaminienne[1], assurant aux Athéniens que, si les choses vont bien là-bas, il leur renverra un grand nombre de vaisseaux. Il se forme ainsi une flotte d’environ soixante-dix voiles.

Dans le même temps, les Corcyréens souffrent tellement de la faim, que Mnasippe, vu le nombre des transfuges, publie qu’il fera vendre tous les déserteurs. Mais, comme il n’en arrive pas moins, il finit par les renvoyer à coups de fouet. Cependant les assiégés ne veulent pas les recevoir dans leurs murs, même comme esclaves, de sorte qu’il en périt une quantité hors de la ville. Mnasippe, de son côté, voyant leur détresse, croit avoir déjà la ville en son pouvoir, et change de conduite avec les mercenaires : il renvoie les uns sans paye, et retient la solde de deux mois à ceux qu’il garde, bien que, dit-on, il ne manquât point d’argent. Et, de fait, la plupart des villes lui avaient envoyé des fonds au lieu d’hommes, ce qui était permis pour une expédition d’outre-mer. Les gens de la ville, apercevant alors, du haut des tours, les postes plus mal gardés qu’auparavant et les troupes dispersées dans la campagne, font une sortie, prennent plusieurs hommes et en massacrent d’autres. Mnasippe, qui les voit, s’arme aussitôt lui-même, et, suivi de tous les hoplites qu’il a, s’élance au secours des siens, après avoir donné l’ordre aux lochages et aux taxiarques de sortir avec les mercenaires. Mais quelques lochages lui ayant répondu qu’il trouverait difficilement disposés à l’obéissance des gens auxquels il refuse de quoi manger, il se met à frapper l’un de son bâton, l’autre du bout de sa lance ; ils sortent ainsi du camp tout découragés, et pleins de haine contre lui, sans en excepter un seul ; disposition fâcheuse pour un jour de combat.

Mnasippe les range en bataille, met en déroute et poursuit les ennemis postés près des portes ; mais, arrivés près des murs, ceux-ci se retournent et se mettent à lancer des flèches et des traits du haut des buttes tumulaires ; d’autres, faisant une sortie par une autre porte, fondent, à rangs serrés, sur les derrières de l’ennemi. Les Lacédémoniens, rangés sur huit de profondeur, croient la tête de leur phalange trop faible, et essayent de faire une conversion ; mais, au moment où ils

  1. Nous avons déjà parlé de la Paralos ou Paralienne. La Salaminienne était une trirème publique, sur laquelle on envoyait quérir ceux qui étaient cités à comparaître devant les tribunaux, pour quelque délit national.