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un chef absolu. Tu sais probablement que le roi de Perse, qui rançonne, non pas les îles, mais le continent, est le plus riche des hommes ; eh bien ! je regarde comme encore plus facile de le soumettre que la Grèce ; car je sais que tous les hommes de ce pays, un seul excepté, sont plus exercés à la servitude qu’à la vaillance, et je connais le genre de forces qui a pu, dans l’expédition des Grecs et dans celle d’Agésilas, amener le roi à la dernière extrémité. »

« Quand il m’eut dit cela, je lui réponds que toutes ses paroles méritent réflexion, mais qu’il me semble tout à fait impossible d’abandonner, sans aucun sujet de reproche, les Lacédémoniens, avec lesquels nous sommes liés d’amitié, pour nous unir à leurs adversaires. Il m’approuve, me dit qu’il désire encore plus m’attacher à lui, puisque tels sont mes sentiments, et m’engage à venir auprès de vous pour vous dire la vérité, à savoir qu’il compte marcher contre les Pharsaliens si nous rejetons ses offres : il me prie, en conséquence, de vous demandes des secours. « Et si, ajoute-t-il, on te donne assez de force pour que tu te croies en état de me tenir tête, alors nous accepterons l’issue de la guerre ; mais si l’on te paraît amener des secours insuffisants, tu ne saurais alors éviter de justes reproches de ta patrie, qui t’honore, et où tu tiens le premier rang. »

« Voilà pourquoi je viens vous voir, et pourquoi je vous rapporte tout ce que j’ai vu, ainsi que tout ce qu’il m’a dit lui-même. Or je crois, citoyens lacédémoniens, que si vous nous envoyer des forces qui, non-seulement à mes yeux, mais à ceux de tout le reste des Thessaliens, paraissent suffisantes pour combattre Jason, les villes abandonneront son parti, vu que toutes redoutent l’accroissement de la puissance d’un pareil homme. Mais si vous croyez que des néodamodes et un homme ordinaire suffiront, je vous conseille de vous tenir en repos ; car sachez bien que vous seriez en guerre contre une vigueur peu commune, contre un homme qui est général assez avisé pour ne point éprouver d’échec, soit qu’il veuille surprendre, prévenir ou enlever de force. Il est prêt à faire son profit de la nuit comme du jour ; et, quand il veut aller vite, il sait déjeuner et dîner sans abandonner son labeur ; il ne se permet le repos qu’après être arrivé à son but et avoir mené à bonne fin ses affaires : il y a accoutumé ceux qui sont avec lui. Lorsque, après un long travail, les soldats ont fait quelque chose de bien, il sait combler leurs désirs, en sorte que tous ses gens ont appris que du