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concertent sur le plan à suivre. Là-dessus Mélon s’adjoint six des exilés, les mieux appropriés à son dessein, et ne leur fait prendre d’autres armes que des poignards. Ils commencent par entrer de nuit sur le territoire de Thèbes ; puis, après avoir passé la journée dans un endroit désert, ils s’approchent des portes, faisant semblant de revenir des champs à l’heure où les retardataires quittent l’ouvrage. Entrés dans la ville, ils passent cette nuit-là chez un nommé Charon, et y restent tout le jour suivant. Cependant Phyllidas s’occupe de tout disposer pour les polémarques qui célébraient les Aphrodisies[1] avant de sortir de charge. Or, comme il leur avait promis depuis longtemps de leur amener les femmes les plus distinguées et les plus belles de Thèbes, il leur dit qu’il les amènerait ce jour-là. Ils voulaient en effet, conformément à leurs goûts, passer une nuit agréable. Quand ils ont soupé, ils sont bientôt ivres, grâce à ses provocations, et sur leur ordre d’amener au plus tôt les hétaïres[2], il sort et amène Mélon ainsi que ses amis, dont trois habillés en maîtresses et les autres en suivantes. Après les avoir introduites dans l’antichambre du polémarque, il reste lui-même et dit à Archias que les femmes refusent d’entrer, s’il y a quelque serviteur dans la salle. Ils ordonnent aussitôt à tout le monde de se retirer, et Phyllidas, donnant du vin aux esclaves, les envoie dans la chambre de l’un d’eux. Alors il introduit les hétaïres et en fait asseoir une auprès de chaque homme. Il était, en effet, convenu qu’aussitôt assis, ils quitteraient leur voile et frapperaient. Voilà, dit-on, comment les polémarques périrent ; d’autres prétendent que Mélon et ses gens entrèrent comme des convives et les tuèrent.

Phyllidas, prenant ensuite trois des conjurés, se rend à la maison de Léontiade, frappe à la porte et dit qu’il est porteur d’un message des polémarques. Léontiade était encore seul couché depuis son souper, et sa femme filait de la laine, assise à ses côtés. Il fait entrer Phyllidas, dont il se croyait sûr. À peine entrés, ils l’égorgent et contraignent par la peur sa femme à garder le silence ; puis ils disent, en sortant, que la porte est fermée, et que, s’ils la trouvent ouverte, ils tueront tous ceux qui sont dans la maison. Ces mesures prises, Phyllidas se rend à la prison avec deux des siens, et dit au geôlier qu’il amène, sur l’ordre des polémarques, un homme à enfermer : le geôlier ouvre, on le tue et on délivre les prisonniers. On

  1. Fêtes de Vénus.
  2. Courtisanes.