Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

arrivé aux environs de Sinope, et se voyant à la tête d’une foule d’hoplites, de peltastes, d’archers, de frondeurs, de cavaliers, qui, grâce à une longue expérience, étaient devenus d’excellents soldats, conçut et caressa quelque temps le projet de fonder une colonie, une ville grecque dans ces contrées. Ne serait-ce point la l’idée première de son Éducation de Cyrus ? Ce dessein, qu’il n’a pu mettre à exécution en créant un établissement réel, positif, ne l’a-t-il pas accompli par la pensée, en bâtissant une cité selon ses rêves, comme la République de Platon, modèle de l’Utopie de Thomas Morus et de la Salente de Fénelon ? Pour exécuter cette idée il lui fallait un cadre : c’est à l’Orient, au pays des fictions, à la terre classique des fables, qu’il va le demander. Et, suivant la remarque ingénieuse de l’abbé Fraguier, « de même que l’auteur du roman de l’Astrée a élu un lieu tranquille et délicieux, parce qu’il lui fallait une scène conforme au spectacle qu’il voulait représenter ; ainsi, pour l’éducation dure et austère que Xénophon voulait inspirer aux hommes, il a choisi un pays rude et stérile, un peuple tout occupé de la chasse et des bestiaux. » Remarquons, en outre, avec un philosophe de notre époque, M. Ad. Garnier, que si Xénophon, ainsi que Platon, se plaît à glorifier la Perse, « l’ancienne antagoniste de la Grèce, et à lui prêter comme un mérite des mœurs qui se rapprochent des coutumes de Sparte, cette autre ennemie d’Athènes, c’est sans doute un héritage de la profonde antipathie de Socrate pour la démocratie anarchique de son pays et une preuve de l’estime que les deux disciples professaient, comme leur maître, pour le gouvernement aristocratique ou monarchique auquel l’éloignement leur permettait, d’ailleurs, de prêter une sorte de perfection idéale. »

L’intention et le plan de la Cyropédie se trouvant ainsi déterminés, nous ne croyons point devoir insister sur les détails ; nous y renvoyons les lecteurs. Il est pourtant une remarque que nous ne voulons pas négliger : c’est que dans les écrits que nous ont laissés les anciens, excepté chez deux poëtes, Homère et Euripide, l’un dans les adieux