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a péril à ruiner Lacédémone et les alliés par de longues campagnes, il barre le fleuve qui passe dans la ville, et qui était très-considérable. Le cours se trouvant ainsi entravé, l’eau couvre les fondements des maisons et ceux du mur : quand les briques du bas sont mouillées, elles ne peuvent plus retenir celles du haut, et le mur commence à se fendre, puis il cède. Les assiégés essayent pendant quelque temps de l’étayer avec des poutres, et imaginent divers moyens pour empêcher la tour de tomber. Mais ils sont vaincus par les eaux, et craignant alors que, le mur venant à tomber, ils ne soient pris d’assaut, ils consentent à raser leurs murs. Les Lacédémoniens refusent de traiter, à moins qu’ils ne répartissent leur population dans les villages. Les Mantinéens, sentant qu’ils ne peuvent l’éviter, se déclarent prêts à le faire.

Le parti argien et les prostates du peuple se croyaient perdus ; mais Agésipolis consent, sur les instances de son père, à les laisser se retirer en sûreté de la ville au nombre de soixante. Les Lacédémoniens, la lance en main, se tiennent des deux côtés de la route, depuis les portes de la ville, pour les voir sortir ; et, malgré leur haine, ils ont moins de peine à s’abstenir d’offenses envers eux que les oligarques mantinéens. Ceci soit dit comme une grande preuve de discipline. Ensuite, quand le mur est rasé et les habitants de Mantinée répartis dans quatre bourgs, comme ils l’étaient autrefois, ce changement les chagrine d’abord, parce qu’il fallait abattre les maisons qu’ils possédaient et en élever de nouvelles ; mais voyant que ceux qui avaient du bien demeurent plus près de leurs terres autour des bourgs, qu’ils sont en aristocratie, et se trouvent débarrassés des démagogues qui leur pesaient, ils se réjouissent de ce qui s’est passé. Les Lacédémoniens ne leur envoient plus un officier séparément, mais un pour chaque village, et les Mantinéens, dans leurs nouvelles demeures, prennent part aux expéditions avec beaucoup plus de zèle que quand ils étaient en démocratie. Voilà ce qui se passa à Mantinée : c’est une leçon de prudence donnée aux hommes pour ne pas laisser désormais passer un fleuve dans leurs murs.

Lorsque les exilés de Phlionte apprirent que les Lacédémoniens examinaient la conduite de leurs alliés pendant la guerre, ils crurent l’occasion favorable pour aller à Lacédémone. Ils rappellent aux Lacédémoniens que, tant qu’ils habitaient leur patrie, la ville les recevait dans ses murs, et que les habitants étaient toujours prêts à marcher avec eux partout où ils vou-