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murs étaient séparés les uns des autres par un intervalle assez considérable, les Lacédémoniens trouvent qu’ils sont trop peu nombreux pour occuper cet espace ; ils font donc, du mieux qu’ils peuvent, une palissade et un fossé en avant de leur ligne, afin de pouvoir attendre ainsi que les alliés viennent les rejoindre. Le port derrière eux était gardé par des Béotiens.

Le lendemain de la nuit où ils étaient entrés se passe sans combat ; mais le surlendemain, les Argiens arrivent en masse. Ils trouvent les ennemis rangés en bataille : les Lacédémoniens à l’aile droite, à côté d’eux les Sicyoniens, puis les exilés corinthiens au nombre d’environ cent cinquante, au pied du mur oriental. Ils déploient aussi leur ligne de bataille. Iphicrate et ses mercenaires s’appuient sur le mur oriental : après eux viennent les Argiens. Les Corinthiens de la ville occupent l’aile gauche. Pleins de confiance dans leur nombre, ils marchent aussitôt à l’ennemi : ils mettent en déroute les Sicyoniens, enfoncent la palissade, les poursuivent jusqu’à la mer, où ils en font un grand carnage. L’hipparmoste[1] Pasimachus, qui commandait un petit nombre de cavaliers, voyant la déroute des Sicyoniens, ordonne à ses soldats d’attacher leurs chevaux à des arbres, arrache aux fuyards leurs boucliers, et marche contre les Argiens avec ceux qui veulent le suivre. Les Argiens, voyant les Σ[2] gravés sur leurs boucliers, croient que ce sont des Sicyoniens et ne s’en défient pas. On rapporte que Pasimachus s’écria en ce moment : « Par les Dioscures[3], ces Σ vous tromperont, » et qu’il s’élança sur eux. Il combat alors bravement avec la poignée d’hommes qui l’entoure ; mais, vaincu par le nombre, il est tué, et plusieurs autres avec lui. Cependant les exilés corinthiens avaient défait leurs adversaires, et pénétrant en avant, ils s’étaient rapprochés du mur d’enceinte de la ville.

De leur côté, les Lacédémoniens, qui avaient aperçu la défaite des Sicyoniens, se portent à leur secours en gardant la palissade à leur gauche. Dès que les Argiens apprennent que les Lacédémoniens sont derrière eux, ils font volte-face à l’instant et s’élancent au pas de course pour repasser la palissade ;

  1. Chef de la cavalerie.
  2. C’est la première lettre du mot Σικυώνιοι, Sicyoniens.
  3. Ναὶ τὼ σιώ, littéralement « Par les deux dieux ! » formule de serment particulière aux Doriens. Les Dioscures sont Castor et Pollux.