qu’il avait postés là, afin de pouvoir livrer lui-même beaucoup de butin aux lapbyropoles[1]. Spithridate et les Paphlagoniens ne peuvent supporter une telle conduite. Se considérant comme lésés et outragés, ils plient bagage de nuit, et se rendent à Sardes auprès d’Aricé, auquel ils se fient, attendu qu’Aricé a quitté le roi et lui fait la guerre. Quant à Agésilas, cette défection de Spithridate, de Mégabate et des Paphlagoniens, fut le coup le plus pénible qu’il eût reçu dans cette campagne.
Il y avait un certain Apollophane de Cyzique, qui se trouvait être depuis longtemps hôte de Pharnabaze, et qui, vers cette même époque, s’était trouvé lié d’hospitalité avec Agésilas. Il dit à Agésilas qu’il pense pouvoir amener Pharnabaze à une conférence pour conclure amitié. Après l’avoir entendu, Agésilas fait une trêve et donne sa parole à Apollophane, qui amène Pharnabaze à un endroit convenu. Agésilas et les Trente les y attendaient, assis par terre sur le gazon. Pharnabaze arrive avec une robe couverte de riches ornements d’or. Mais lorsque ses serviteurs veulent lui étendre les coussins sur lesquels les Perses s’asseyent avec mollesse, il a honte de cette délicatesse en voyant la simplicité d’Agésilas, et il s’assied tout simplement par terre. Ils commencent par se saluer réciproquement ; puis, Pharnabaze ayant tendu la main, Agésilas la lui tend à son tour. Ensuite Pharnabaze, prenant la parole comme étant le plus vieux : et Agésilas, dit-il, et vous tous Lacédémoniens ici présents, j’ai été votre ami et votre allié quand vous faisiez la guerre aux Athéniens ; j’ai fortifié votre flotte en vous fournissant de l’argent ; sur terre, j’ai combattu moi-même à cheval avec vous, j’ai poursuivi les ennemis jusqu’à la mer, et vous ne sauriez me reprocher, comme à Tissapherne, de vous avoir jamais parlé ou d’avoir agi avec duplicité. Malgré cette conduite, vous m’avez cependant réduit à ne pouvoir trouver de quoi manger sur mon propre territoire, qu’en y recueillant vos restes comme les animaux. Les belles demeures, les parcs remplis d’arbres et de gibier que je tenais de mon père, et qui faisaient ma joie, je vois tout cela coupé ou brûlé. Si j’ignore ce qu’il y a de juste et de sacré, apprenez-moi comment de pareils actes sont ceux de gens qui savent ce que c’est que la reconnaissance. »
- ↑ Espèces de commissaires-priseurs, qui se chargeaient de vendre aux enchères le butin fait sur l’ennemi.