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qu’il doit s’en procurer une, afin de ne pas être obligé de faire la guerre en fuyant. Il commande donc aux plus riches de toutes les villes du pays d’entretenir des chevaux, et en faisant annoncer que quiconque fournira un cheval, un équipement et un bon soldat, sera dispensé du service, il fait exécuter ses ordres avec promptitude et avec le même empressement que s’ils eussent cherché quelqu’un pour mourir à leur place.

Le printemps venu[1], il rassemble toute son armée à Éphèse, et, dans le dessein de l’exercer, il propose des prix aux troupes de cavalerie qui manœuvreront le mieux, aux hoplites qui auront le corps le plus robuste, aux peltastes et aux archers qui montreront le plus d’adresse. Il fallait voir les gymnases remplis d’hommes qui s’exerçaient, l’hippodrome couvert de cavaliers occupés d’évolutions, tandis que les archers et les gens de trait tiraient à la cible. La ville tout entière où il se trouvait, présentait un spectacle intéressant : l’agora était pleine d’armes de toute espèce et de chevaux à vendre ; ouvriers en airain, en bois, en fer, en cuir, en peinture, travaillaient à la fabrication des armes : on eût pris Éphèse pour un atelier de guerre. Rien surtout n’inspirait plus de confiance que de voir Agésilas lui-même et les soldats couronnés de fleurs, aller, à leur sortie des gymnases, consacrer leurs couronnes à Diane. Car où l’on voit les hommes respecter les dieux, s’exercer à la guerre et ne songer qu’à obéir aux chefs, comment ne pas trouver là matière à bon espoir ? Persuadé de plus que le mépris de l’ennemi donne du cœur à combattre, il ordonna aux crieurs de vendre nus les barbares pris par les maraudeurs. Les soldats, en voyant ces corps blancs, parce qu’ils ne se déshabillaient jamais, mous et chargés d’obésité, parce qu’ils étaient toujours sur des chars, comprenaient bien que pour eux ce ne serait qu’un combat contre des femmes. Au milieu de ces préparatifs, une année s’était déjà écoulée depuis le départ d’Agésilas, de sorte que Lysandre et le reste des Trente s’en retournent à Sparte, et sont remplacés par leurs successeurs sous la conduite d’Hérippidas. Agésilas confie à Xénoclès et à un autre le commandement de la cavalerie, à Scythès les hoplites néodamodes, à Hérippidas les troupes de Cyrus, et à Migdon les troupes fournies par les villes. Il annonce ensuite à ses soldats qu’il va les mener par le plus court dans la partie la plus fortifiée du pays, afin qu’ils s’y préparent

  1. Cf. Agésilas, chap. i, p. 14 de l’édition spéciale de Ch. Gust. Heiland.