excepté celles des trois mille ; après quoi ils les font transporter dans l’Acropole et déposer dans le temple.
Cette mesure prise, et se voyant maîtres d’agir comme ils l’entendent, ils mettent à mort un grand nombre de citoyens, par pure haine, et un grand nombre par cupidité. Ils décident, afin d’avoir de quoi payer les troupes, que chacun des Trente s’emparera d’un métèque, le mettra à mort et confisquera ses biens. Ils engagent alors Théramène à choisir qui bon lui semblerait. Il répond : « Mais je ne trouve pas honorable, quand on se donne pour d’excellents citoyens, d’agir avec plus d’injustice que les sycophantes. Au moins ces gens-là laissent-ils la vie à ceux dont ils prennent le bien ; et nous, sans qu’on nous ait fait préjudice, nous mettrions des hommes à mort pour confisquer leur fortune ? Comment cette conduite ne sera-t-elle pas plus injuste que la leur ? »
Les autres, voyant que Théramène va devenir un obstacle à leurs projets, lui tendent des piéges et le calomnient en particulier auprès de chaque conseiller, comme un ennemi du gouvernement. À la fin, ils engagent les jeunes gens qui leur paraissent les plus audacieux à se rendre auprès d’eux avec des poignards sous l’aisselle, et rassemblent le conseil. Dès que Théramène paraît, Critias se lève et parle ainsi :
« Citoyens conseillers, si quelqu’un de vous pense qu’il y a eu plus de morts que les circonstances ne l’exigeaient, qu’il songe que partout, dans les révolutions, il en est de même, et que ceux qui ont établi l’oligarchie doivent avoir nécessairement un grand nombre d’ennemis dans une ville qui non-seulement est la plus peuplée de toutes les cités de la Grèce, mais encore dans laquelle le peuple a vécu depuis si longtemps en liberté. Pour nous, qui connaissons tout ce qu’il y a de mauvais pour vous dans la démocratie, et qui savons que le peuple n’aurait jamais pu se montrer favorable aux Lacédémoniens, qui nous ont sauvés, tandis qu’ils peuvent compter sur le dévouement des meilleurs citoyens ; nous avons, de concert avec les Lacédémoniens, établi le gouvernement actuel, et, si nous voyons quelque part un ennemi de l’oligarchie, nous faisons notre possible pour nous en débarrasser. Mais il nous paraît plus juste encore que celui de nous-mêmes qui gênerait le gouvernement actuel, en porte la peine. Maintenant donc, nous nous sommes aperçus que Théramène, ici présent, cherche de son mieux à nous perdre nous et vous. La vérité de ce que je dis, vous la reconnaîtrez en réfléchissant que personne plus