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trente vaisseaux sous les ordres des deux stratéges, Théramène et Eubule, chargés de surveiller la place, ainsi que les vaisseaux qui sortaient, et de faire tout le mal possible aux ennemis. Les autres stratéges se rendent dans l’Hellespont. Hippocrate, second de Mindare, adressait une lettre à Sparte ; on la prend, on l’envoie à Athènes ; elle contenait ces mots : « C’en est fait de nos succès ; Mindare n’est plus : les hommes ont faim ; nous ne savons que faire[1]. »

Pharnabaze exhorte toute l’armée péloponésienne et les Syracusains à ne pas se désespérer pour quelques planches : il n’en manque pas dans le pays du roi ; tout va bien tant que les corps sont saufs ; puis il donne à chacun un habillement et la solde de deux mois. Il arme en outre les matelots et établit des gardes sur son littoral. Ensuite il réunit les stratéges des villes et les triérarques, leur ordonne de construire à Antandros autant de trirèmes que chacun en a perdu, leur fournit de l’argent et leur dit de tirer du bois de l’Ida. Pendant que les vaisseaux se construisent, des Syracusains, unis aux habitants d’Antandros, achèvent une partie des murs et sont les mieux tenus des troupes de la garnison. Aussi, à Antandros, le titre de bienfaiteurs et le droit de cité est-il accordé aux Syracusains. Pharnabaze, ayant tout disposé de la sorte, part sur-le-champ au secours de Chalcédoine.

Vers le même temps, il est annoncé aux stratéges syracusains qu’ils sont bannis par le peuple. Ils rassemblent alors leurs soldats, et, par l’organe d’Hermocrate, ils déplorent leur malheur d’être tous frappés d’un exil injuste et illégal, engagent les soldats à être à l’avenir aussi braves que par le passé, à se montrer toujours zélés pour leurs devoirs ; puis ils leur ordonnent de se choisir des chefs jusqu’à l’arrivée de ceux qu’on a nommés à leur place. Les troupes s’écrient qu’ils doivent garder le commandement ; c’est surtout le vœu des triérarques, des épibates[2] et des pilotes. Les stratéges leur remontrent qu’il ne faut pas se révolter contre sa patrie, et que, si l’on a quelque chose à leur reprocher, on a le droit de la parole. « Souvenez-vous, ajoutent-ils, de toutes les victoires navales que vous avez gagnées, de tous les vaisseaux que vous avez pris avec vos seules forces, de toutes les occasions où, réunis à d’autres troupes, vous vous êtes, sous notre commandement, montrés invincibles et solides à votre poste

  1. Le texte de cette lettre est en patois lacédémonien.
  2. Matelots.